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2021/10/12 – Lc 11, 37-41

Un pharisien invite Jésus à un repas puis s’étonne que Jésus n’ait pas fait son ablution avant de commencer. Jésus blâme le pharisien de ne s’occuper que de la purification extérieure des plats et de ne rien faire pour l’impureté intérieure dû à la cupidité: en purifiant l’intérieur par l’aumône tout serait pur pour lui.

Un problème de l’Église primitive a été celui des repas où des non-juifs convertis mangeaient avec des Juifs convertis qui tenaient encore aux lois de la pureté rituelle et se sentaient contaminés par cette présence de païens convertis. On peut voir un reflet de ce problème dans le fait que Luc rapporte par trois fois des rencontres de Jésus dans des repas avec des pharisiens qui sont pour lui des occasions de se prononcer sur ces traditions des anciens.

La première fois, lors d’un repas chez Simon le pharisien, une pécheresse connue vient arroser de ses larmes les pieds du Seigneur. Elle les essuie et verse du parfum sur ses pieds. Simon pense alors que si Jésus était prophète il saurait qui est cette femme et il ne se laisserait pas toucher par elle et se rendre ainsi impur. Or Jésus sent l’objection et reconnaît dans le geste de la femme un geste d’amour que Simon est incapable de faire parce qu’il pense n’avoir rien à se faire pardonner. Ce beau texte est propre à Luc (7,36).

La troisième fois vient plus tard quand l’opposition des pharisiens s’est durcie. L’invitation est faite par un groupe de pharisiens qui veulent piéger Jésus à l’occasion d’un repas le jour du sabbat. Un hydropique se présente. Jésus le guérit en soulignant que la loi de la charité passe avant la loi du sabbat. Cet incident est encore propre à Luc. (14,1)

Dans les textes d’aujourd’hui (encore propre à Luc), l’invitation du pharisien ne semble pas provenir d’une intention malveillante. Il a entendu Jésus parler à la foule et l’invite à prendre le repas du midi, un repas qui n’est pas aussi important que celui du soir. Or Jésus se met à table sans faire d’ablutions pour se purifier d’impuretés rituelles possibles. Les ablutions sont une sorte de remède religieux, une purification des contacts qui rendent quelqu’un impropre au culte. Après tout, Jésus vient d’être en contact avec la foule et il a même guéri un démoniaque. Le pharisien, d’une façon ou d’une autre manifeste son étonnement ce que Jésus comprend très bien.

A la façon des grands prophètes, Jésus encore une fois va rappeler la différence entre ce qui est secondaire et ce qui est essentiel. A mettre toute l’importance sur des gestes extérieurs, qui ne sont pas mauvais, dira Jésus, mais qui sont secondaires, on en vient à négliger et même à oublier les choses importantes. Et dans le verset qui suit notre texte, Jésus dit quelles sont ces choses importantes : Mais malheur à vous, les Pharisiens, qui acquittez la dîme de la menthe, de la rue et de toute plante potagère, et qui délaissez la justice et l’amour de Dieu. (11,42)

La justice: on ne peut avoir l’amour du prochain sans avoir d’abord la justice. Et le prophète Amos avait dit qu’on ne peut avoir l’amour de Dieu sans avoir d’abord la justice. Il avait rapporté la Parole de Dieu : Je hais, je méprise vos fêtes et je ne puis sentir vos réunions solennelles. …Écarte de moi le bruit de tes cantiques, que je n’entende pas la musique de tes harpes. Mais que le droit coule comme de l’eau, et la justice, comme un torrent qui ne tarit pas. ( Amos 5,21-24)

La justice et l’amour de Dieu, dit Jésus. Le prophète Osée, lui aussi, avait parlé de l’amour de Dieu qu’il appelait aussi la connaissance de Dieu. Et cette connaissance de Dieu était plus importante que les meilleurs sacrifices comme les holocaustes. Osée rapporte la Parole suivante : Car c’est l’amour qui me plaît et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes. (Osée 6,6) En somme c’est le premier et le second commandement qui nous remettent sur l’essentiel et ils ne peuvent être remplacés par des gestes extérieurs ou des rites mécaniques.

Jean Gobeil SJ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2021/10/11 – Lc 11, 29-32

La foule demande « un signe à Jésus », c’est-à-dire un acte de puissance à l’image de ceux de l’exode qui confèrent à Moïse son accréditation comme envoyé de Yahvé auprès de Pharaon. Ce qu’exige la foule semble tout à fait normal : puisque Jésus se prétend l’ambassadeur de Dieu, on lui demande de présenter ses lettres de créances. Sans cela, n’importe quel imposteur pourrait se proclamer envoyer de Dieu. Pour les lecteurs de notre temps, cette « foule » peut sembler sympathique, éclairée, parce qu’elle ne croit pas n’importe quoi. Comme nous, elle exige des preuves pour être convaincue. Jésus aurait pu obtempérer. Des miracles, il en avait déjà fait. Or, plutôt que de produire les preuves demandées, il se fâche et traite ses interlocuteurs de « génération mauvaise ». Matthieu est plus dur que Luc, car il parle de « génération mauvaise et adultère ». L’adultère est un menteur, associé à Satan qui est « menteur et père du mensonge. » Dans sa colère, Jésus situe les hommes de cette génération plus bas que les païens : au jugement dernier, la reine de Saba se dressera et les jugera; les gens de Ninive se dresseront et les condamneront.

En fait de signe, il ne sera donné à cette foule que celui de Jonas. Ici, Jésus annonce sa mort et sa résurrection. Tout comme Jonas a passé trois jours dans le ventre du monstre marin, Jésus passera trois jours dans le ventre de la terre. On comprend aussi l’évocation de la reine de Saba qui est allée s’instruire auprès de Salomon que l’Ancien Testament considère comme l’incarnation de la sagesse. Toutefois, pour nos contemporains, le personnage de Salomon qui pratiquait la polygamie extrême est difficilement acceptable comme prototype de la sagesse! Selon la légende, la reine de Saba n’a pas pris de Salomon que des leçons de sagesse. Elle a aussi conçu de ses œuvres, et les prestigieux « Négus » d’Éthiopie seraient ses descendants. Mais laissons aux exégètes la tâche d’expliquer l’indiscutable sagesse de Salomon dans le contexte de son temps, et contournons la difficulté en admettant simplement que Dieu est capable d’écrire droit avec des lignes courbes.

Cela dit, dans l’évangile de ce jour, il reste difficile de saisir pourquoi Jésus est si furieux, et pourquoi il semble manquer de modestie. On a l’impression qu’il se porte lui-même aux nues : « Il y a ici bien plus que Salomon…, il y a ici bien plus que Jonas. » Le plus débile des fanfarons ne serait pas aussi explicite dans son autoglorification. Que Jésus ait pu tenir un tel langage semble improbable. Ceux qui, par ignorance, tirent des conclusions trop rapides, se basent sur ce genre d’invraisemblances pour affirmer que les évangiles sont des falsifications, des pseudo-reportages.

Ici, on a sûrement un bel exemple du fait que la parole de Dieu passe inévitablement par la parole humaine. Les prophètes attribuaient leurs oracles de malheur ou de salut à Yahvé lui-même par les formules consacrées « Parole du Seigneur ou Oracle de Yahvé. » Les évangélistes font la même chose en mettant dans la bouche de Jésus des paroles qui sont manifestement les leurs. La foule a peut-être mis Jésus au défi de produire un signe. Vexé, ce dernier a probablement refusé de faire un miracle sur commande. Mais les mots qui, après coup, expriment l’irritation de Jésus sont ceux des croyants, des évangélistes ou de leurs sources, qui sont convaincus que Jésus est le signe par excellence, qu’il est plus que Jonas, plus que Salomon. Et comme eux, nous sommes dans le temps de la foi. Nous n’exigeons pas des preuves magiques pour admettre que Dieu s’est toujours offert, depuis toujours, à tous les humains de bonne volonté.

Melchior M’Bonimpa

 

 

 

2021/10/09 – Lc 11, 27-28

Un aristocrate prétentieux apostropha un jour Louis Veuillot en lui déclarant d’une manière méprisante : « Monsieur, moi je descends d’un maréchal de France. » Avec sa verve pointue, le journaliste lui répliqua : « Moi, Monsieur, je ne monte d’un maréchal-ferrant. » Le premier se vantait d’un titre qu’il avait reçu par hérédité, mais qu’il n’avait nullement acquis par lui-même, sans mérite de sa part. Ce titre restait extérieur à sa personne, il n’atteignait pas sa valeur humaine. Veuillot reconnaissait, de son côté, que son père était un pauvre artisan, mais que lui-même, par son labeur et son ardeur au travail, avait grimpé les échelons pour se hisser parmi les meilleurs journalistes de son temps. Qui était le personnage le plus éminent, celui qui arborait une médaille qu’on lui avait donnée ou le second qui avait travaillé pour se forger lui-même ?

La louange d’une femme

À l’opposé de ses contradicteurs (Lc 11,15s), qui avaient accusé Jésus d’être associé au démon et qui avaient exigé de lui un miracle pour authentifier sa mission, une femme de la foule proclame son admiration pour ce maître de sagesse. Cette femme exprime sa louange en l’adressant par l’intermédiaire de la mère de Jésus. Les organes maternels, que mentionne la femme, marquent l’insistance sur la dimension physique de la maternité de Marie.

Cette béatitude rappelle la tradition juive, que le Livre des Proverbes illustre à juste titre : « Le plus grand bonheur d’un père est d’avoir donné la vie à un homme juste et sage. Donne cette joie à ton père et à ta mère, ce bonheur à celle qui t’a mis au monde. » L’admiration de cette femme pour Jésus commence à réaliser l’annonce que Marie chantait dans son action de grâce : « Dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse. » (Lc 1,48)

La vraie béatitude

Dans sa brève réponse à cette femme en admiration devant lui, Jésus décrit ce qu’est le véritable bonheur, celui qui a priorité sur tous les autres, même sur celui d’être la mère du Christ. Avec cette déclaration, Jésus établit une juste distinction entre un titre non mérité, donné de l’extérieur, et la valeur intime d’une personne qui écoute la Parole de Dieu et qui la rend vivante en elle par sa pratique. Cette dernière a intégré en elle le don de Dieu, elle l’a épousé par son agir conforme à la volonté du Seigneur.

Sans l’écoute de la Parole et sans la mise en pratique de la volonté de Dieu, on risque de retomber dans l’esclavage de celui qui a été libéré par le Christ, mais qui n’a pas eu le courage de cheminer à la suite de son Seigneur. Sa chute l’avilie dans un état pire qu’avant sa libération. (Lc 11,26)

Lorsque la mère de Jésus visite sa cousine Élisabeth pour lui apporter la joie, celle-ci admire le bonheur de Marie : « Tu es heureuse, toi qui as cru que le Seigneur accomplira ce qu’il t’a annoncé. » (Lc 1,45) Marie avait exprimé sa foi par son parfait acquiescement à l’annonce de l’ange Gabriel : « Je suis la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi comme tu l’as dit. » (Lc 1,38)

Lorsque sa mère et ses frères viennent trouver Jésus, on le prévient en ces termes : « Ta mère et tes frères se tiennent dehors et désirent te voir. » (Lc 8,20) Sans renoncer à sa parenté naturelle, Jésus corrige cette présentation des siens, comme dans l’évangile d’aujourd’hui : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique. » C’est à ce niveau, que la personne de Marie atteint l’idéal que le Seigneur a voulu pour sa mère : l’écoute de la volonté de Dieu, qui fleurit en elle par son accueil et dans son comportement.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/10/08 – Lc 11, 15-26

L’esclavage de nos jours

Une femme avouait dans une lettre publiée dans un journal anglophone de Montréal qu’elle était devenue esclave de l’internet. Ayant découvert ce moyen de distraction, qui permet d’explorer le monde, elle passait tout son temps devant le petit écran, au point de négliger sa famille, son mari et ses enfants. La catastrophe prévisible, à la fin, fut le divorce et la dispersion de sa famille.

Cet exemple montre que l’esclavage, l’emprise d’un autre sur notre personne, au point de nous dominer, n’est pas une calamité limitée à l’ancien temps. L’aliénation, l’épreuve de devenir un autre que soi-même, s’est répandue de diverses manières aujourd’hui. Ce n’est pas un maître extérieur qui nous domine, mais une force aliénante qui s’introduit en nous. Nous sommes une multitude possédée par l’argent, la boisson, la cigarette, la drogue et le sexe.

Les exorcismes de Jésus semblent à certains des phénomènes relevant de cultures primitives. Être possédé par un esprit mauvais provoque en nous un sourire sceptique. Mais si « l’esprit mauvais », extérieur à nous, semble avoir disparu, il se retrouve en nous, d’une manière plus insidieuse et plus profonde. Jésus est venu nous délivrer de tous ces esclavages, intérieurs et extérieurs, pour nous rendre libres, tels que notre Créateur l’a voulu. Être libre, c’est retrouver notre identité, être nous-mêmes.

Les nombreuses scènes d’exorcisme, qui nous surprennent dans les évangiles, manifestent la volonté du Christ de nous rendre libres. À l’opposé de la liberté, c’est le mal d’être envahi par un autre et d’être divisé. La division physique, c’est le cancer, qui introduit en nous un second système biologique, parallèle à l’autre. La division morale, c’est la schizophrénie, qui produit dans la personne humaine une double personnalité. Toute division, en nous-mêmes, dans notre famille ou dans la société, provoque la dégradation et la destruction. Notre organisme réagit en essayant de rejeter ce qui nous est étranger. De même, Jésus expulse tout esprit, qui est mauvais parce qu’étranger, incompatible avec notre nature libre d’enfant de Dieu.

Les calomniateurs du Christ

Au lieu d’admirer et de louer la mission libératrice de Jésus, ses adversaires cherchent à dénigrer son action. Notre monde perverti essaie souvent de mal interpréter et de dénigrer les actions les plus généreuses. Les détracteurs de Jésus lui opposent deux objections : 1) Jésus serait de connivence avec le chef des démons pour expulser les esprits mauvais; 2) si, au contraire, c’est par l’Esprit de Dieu que Jésus libère du démon, il doit le prouver par un signe éclatant. Jésus ne discute pas cette dernière exigence. Il refusera, plus tard, de se soumettre au défi de tenter Dieu.

Jésus répond de deux manières à la calomnie de ses ennemis. Béelzéboul, « le dieu des mouches », est un esprit malfaisant, mais intelligent. Il sait bien que s’il combat ses adeptes, il divise son royaume et va causer sa disparition. Il n’y aura bientôt plus de vie dans un royaume divisé. L’accusation est vraiment grossière et stupide. La réponse de Jésus montre l’ineptie d’une telle accusation.

Des exorcistes chez les Pharisiens pratiquaient, eux aussi, des rites pour libérer les possédés. Les adversaires de Jésus ne voudraient jamais accuser leurs partisans de recourir au chef des démons pour chasser les esprits mauvais des possédés. Pourquoi alors portent-ils une accusation de ce genre contre Jésus ?

Choisir entre la mort et la vie

Après avoir réfuté l’accusation de ses adversaires, Jésus dégage deux profondes vérités, dont la première explique la seconde. D’abord il est impossible de rester neutre devant l’interpellation du Christ. On est pour lui ou contre lui. En conséquence, la maison d’un homme libéré de l’esprit mauvais ne peut demeurer vide, neutre. Cette maison doit se remplir de la Parole et de l’Esprit de Dieu.

Si l’homme de cette maison prétend demeurer neutre et vide, sans choisir, ni s’engager, l’esprit mauvais, auquel se sont joints « sept esprits encore plus mauvais », revient occuper son ancienne demeure. C’est dire que l’état de l’homme que le Christ a libéré, mais qui retombe sous le joug du péché et de l’esclavage, est pire qu’auparavant. Quand on pense être guéri d’un cancer et qu’on jouit d’une rémission, n’est-ce pas que la rechute est plus grave que la première phase de la maladie ?

Même après une conversion, on est tenté de vivre des deux côtés, un pied du côté du Christ et l’autre du côté du monde. Cette concession à l’esprit malin est dangereuse, car le cancer tend à occuper de plus en plus de place, avec « sept autres esprits encore plus mauvais. » Une seule solution: après sa conversion et sa libération, le pécheur pardonné doit se tourner totalement vers son Sauveur et s’unir à Lui par la foi et la confiance, pour qu’il occupe toute la place.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/10/07 – Lc 1, 26-38

Luther aurait dit de l’évangile de Jean qu’il est « le plus tendre des évangiles. » Il aurait ajouté : « Je donnerais pour lui tous les autres et la plus grande partie du Nouveau Testament par surcroît. »Un autre théologien allemand tordit le cou à cette affirmation par une réplique laconique et cinglante : « Moi je ne donnerais rien! » Sans entrer dans cette querelle, on pourrait dire que la déclaration de Luther aurait été un peu moins surprenante si elle avait été faite à propos de Luc plutôt que Jean. Luc, le « scribe de la mansuétude » selon une expression de Dante, est le seul à nous livrer des récit d’une tendresse qui ne cherche pas à se dissimuler, comme celui de « l’annonciation » que nous fêtons aujourd’hui.

« Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. » Ces mots, Luc est le seul des évangélistes à les avoir entendus. Trois évangélistes connaissent le Père et le Fils, mais Luc est le seul à savoir ce que signifie « la Mère de Dieu ». C’est à elle qu’est annoncée la naissance du Fils du Très Haut. C’est à elle que revient la responsabilité de « nommer » l’enfant à venir. Matthieu, qui connaît bien la loi juive, a donné cette responsabilité à Joseph. Chez Luc, l’annonciation ne se produit pas dans un songe, mais dans le cadre d’une vision, d’une « apparition » en plein jour. Curieusement, dans l’histoire du christianisme, on a fait de l’apparition, le mode le plus spectaculaire de la communication entre la Vierge Marie et les humains. Bien des chrétiens ont affirmé que la Vierge Marie leur est apparue : à Lourdes, à Fatima, et en bien d’autres endroits.

L’annonciateur porte un nom : l’ange Gabriel. Et cet envoyé de Dieu n’a rien d’effrayant : il jase avec Marie sur un ton très familier et il fait tout pour la rassurer quand il constate qu’elle est « troublée » : « Sois sans crainte, Marie… » La jeune fille se détend effectivement, et ne se laisse pas déstabiliser par l’énormité de ce que l’ange lui apprend : qu’elle donnera naissance à un fils, qui sera « grand » et qui régnera sur le trône de David, sans fin… Marie risque une question : « Comment cela se fera-t-il, puisque je suis vierge? »

Quelques versets avant, dans le même chapitre, la même situation se produit quand l’ange annonce à Zacharie la naissance de Jean-Baptiste. Zacharie réagit à peu près comme Marie, car l’annonce porte là aussi sur une naissance miraculeuse. Zacharie fait remarquer qu’il est vieux et que sa femme est avancée en âge. L’ange se fâche et rend Zacharie muet jusqu’à la naissance de l’enfant promis. C’est plutôt sévère si l’on sait que c’est déjà difficile de garder le silence pendant deux heures quand on a la bouche gelée après une visite chez le dentiste.

Mais Gabriel n’impose aucune punition à Marie. Au contraire, il répond avec révérence à la question que la jeune fille lui pose. Les commentateurs expliquent ce double standard en affirmant que la question de Zacharie révélait un manque de foi. Ils disent que dans les mêmes circonstances, Abraham, le Père de la foi, n’avait pas douté que la vieille Sara pourrait concevoir et lui donner un fils. Quant à la question de Marie, on dit qu’elle était inspirée, non pas par l’incrédulité, mais plutôt par la foi qui cherche à comprendre.

Ces arguties théologiques n’éclairent pas tout le mystère du comportement de l’ange Gabriel dans ces deux situations. Une explication beaucoup plus simple, plus logique et plus crédible pourrait être celle-ci : Luc donne à l’ange Gabriel préséance sur Zacharie, mais pas sur Marie. Il y a bel et bien une hiérarchie. Gabriel peut rabrouer Zacharie qui est son inférieur, mais il ne peut que répondre respectueusement à la « Mère de Dieu ». La même hiérarchie est également remarquable quant au rang des deux enfants à naître : aucun doute que Jésus est supérieur à Jean-Baptiste. C’est pourquoi, la dernière déclaration de Marie dans ce passage, « Voici la servante du Seigneur » n’est pas à prendre comme une profession d’humilité. C’est plutôt un cri d’allégresse et d’action de grâce, exactement comme dans le Magnificat qui suivra plus loin. Car, être servante du Seigneur, c’est un titre de gloire.

Melchior M’Bonimpa

2021/10/06 – Lc 11, 1-4

Jésus venait de prier. Un disciple lui demanda de leur montrer à prier comme Jean Baptiste l’avait fait pour ses disciples. Il leur donne une prière qui commence par Père et qui contient cinq demandes: que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, donne-nous le pain dont nous avons besoin, pardonne-nous nos péchés, ne nous soumets pas à la tentation.

Les disciples viennent de voir Jésus en prière. Ce n’est pas la première fois. C’est surtout avant les grandes occasions que Luc mentionne la prière de Jésus.

Jésus est en prière avant la révélation qui vient du ciel à son baptême aux mains de Jean Baptiste. Avant le choix des Douze, il a passé la nuit à prier dans la montagne (Luc 6,12). Avant la profession de foi de Pierre, il est en prière (9,18). Avant la Transfiguration, il a gravi la montagne avec trois disciples pour aller prier. Il y aura encore la prière avant la Passion. Ici, c’est la prière de Jésus qui a suscité la demande d’un disciple.

La demande que Jésus leur apprenne à prier comme Jean Baptiste l’avait fait pour ses disciples nous rappelle la mention que les Pharisiens et les disciples de Jean avaient des jeûnes et des prières qui leur étaient propres (Luc 5,33). Le disciple demande donc de leur montrer une prière qui serait caractéristique de leur relation avec Dieu à cause de leur lien avec Jésus en tant que disciples.

La prière que Jésus leur donne commence par l’invocation, Père.
C’est ainsi que commençait la prière de Jésus comme on le voit dans Matthieu (11,25):
Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre.
Cette façon de parler à Dieu n’est pas normale dans la prière juive. On pouvait parler de Dieu comme Père du peuple d’Israël parce que c’était lui qui avait donné naissance à Israël comme peuple. Mais s’adresser à lui de cette façon, individuellement, était trop familière pour être convenable. On ne pouvait se permettre cette familiarité avec le Seigneur du ciel et de la terre! On trouve une trace de la surprise des disciples devant cette familiarité de Jésus dans l’évangile de Marc. Lorsqu’il rapporte la prière de Jésus avant la Passion, il commence en utilisant un mot araméen, alors que son auditoire ne connaît ni l’hébreu ni l’araméen:
Abba! Tout t’est possible: éloigne de moi cette coupe; pourtant, pas ce que je veux mais ce que tu veux!
Abba est un terme familier. Un enfant dit Imma, maman, pour sa mère et Abba, pour son père.
C’est donc cette familiarité et cette proximité avec Dieu que Jésus donne à ses disciples. Paul, qui n’est pas fort sur les détails de la vie du Christ, a retenu cela comme caractéristique d’un disciple: il peut dire Abba à Dieu parce que l’Esprit lui a été donné (Romains 8,15; Galates 4,6).

Après l’invocation, la prière commence par deux demandes centrées sur Dieu:
Que ton nom soit sanctifié. Que Dieu se révèle; qu’il se fasse reconnaître.
Que ton Règne vienne. Que Dieu vienne en personne et manifeste sa présence souveraine et agissante.
Ensuite, on a trois requêtes pour les disciples eux-mêmes: une demande du pain de vie pour chaque jour; une demande de pardon des péchés qu’on est prêt à accueillir en pardonnant d’abord aux autres; une demande finale de ne pas être confronté à la tentation de renier ou de rejeter le Christ.

Cette prière est toute centrée sur Dieu, sur son Règne, comme l’était le Christ lui-même. C’est pour cela qu’elle est la prière par excellence d’un disciple de Jésus.

Jean Gobeil SJ

 

2021/10/05 – Lc 10, 38-42

Une femme nommée Marthe reçoit Jésus dans sa maison. Pendant qu’elle s’occupait du service, Marie, sa sœur, écoutait les paroles de Jésus, assise aux pieds du Seigneur. Marthe se plaint que sa sœur ne l’aide pas. Mais Jésus déclare que Marie a choisi la meilleure part et qu’elle ne lui sera pas enlevée.

Le texte commence par dire en passant que Jésus était en route avec ses disciples. Il arrive dans un village où il reçoit l’hospitalité de deux soeurs. C’est bien différent du village samaritain qui avait refusé de le recevoir au début du chapitre mais il semble qu’il y avait bien des gens qui étaient prêts à lui offrir l’hospitalité. Il y en a sur qui Jésus savait qu’il pouvait compter comme cet hôte inconnu à qui il demanda l’usage d’une pièce à l’étage pour célébrer la Pâque à Jérusalem, alors que la ville à ce moment déborde de visiteurs.

Marthe est la maîtresse de maison et elle s’affaire à remplir ce rôle qui est tout à fait normal. Elle se plaint de ce que sa sœur, elle, tient un rôle qui n’est pas normal du tout pour une femme. Elle est assise aux pieds de Jésus et écoute ses paroles: elle est dans la position d’un disciple qui écoute les instructions de son maître. Or les avis des rabbins sont catégoriques: il ne faut pas enseigner la Loi à une femme. Non seulement Jésus parle pour elle mais encore il ne veut pas qu’on la dérange.

En brisant cet interdit, Jésus montre que la condition de disciple n’est pas réservée à des hommes. C’est une leçon qui n’a pas été perdue pour les communautés chrétiennes. Mais il y a plus que cela.
On a mentionné au début du chapitre, que le grand commandement était l’amour de Dieu et l’amour du prochain. A la suite de cela, pour donner une illustration de l’amour du prochain, Jésus a donné l’exemple du bon Samaritain, pourtant un ennemi des Juifs, qui venait en aide à quelqu’un de blessé.

Après l’amour du prochain, l’évangéliste revient à l’amour de Dieu qui a son illustration dans la scène que nous avons. L’écoute de la Parole est une forme de l’amour de Dieu et l’amour de Dieu est le premier commandement. Cette écoute est une forme de l’amour parce que dans la Parole il y a une présence de Dieu. C’est pour cela que, dans la première apparition de Jésus ressuscité aux disciples, la première chose que Jésus fait après s’être fait reconnaître fut : Alors, il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures. (Luc 24,45)

Pour Luc, Marie est donc un modèle parfait de disciple. Pour les disciples, dans le passage qui suit, Jésus donnera une autre forme de l’amour de Dieu: il leur enseignera le Notre Père.

Jean Gobeil SJ

 

2021/10/04 – Lc 10, 25-37

Un légiste pose une question piège à Jésus : « Maître, que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle? » Jésus répond par une autre question : « Dans la Loi, qu’est-il écrit?»  Bon élève, le légiste cite le plus grand des commandements qui résume la Loi et les Prophètes: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme… et ton prochain comme toi-même.» Jésus lui accorde alors la note parfaite : dix sur dix au niveau de la théorie. Toutefois, la théorie n’est pas tout. Jésus enjoint au légiste d’aller faire les travaux pratiques, sur le terrain! Mais ce dernier n’aime pas le rôle de l’arroseur arrosé. Il contre-attaque par une autre question piège : « Et qui est donc mon prochain? » Jésus répond par le détour de la merveilleuse parabole du bon Samaritain, l’un des bijoux de l’évangile de Luc, qui s’achève par une question au légiste : « Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme qui était tombé entre les mains des bandits. » En mauvaise posture, le docteur de la Loi est bien obligé de donner une réponse qui permet à Jésus de répéter son conseil : « Va, et toi aussi, fais de même. »

En allant voir les parallèles de ce texte chez les deux autres synoptiques, on peut constater que la question piège posée à Jésus est : « Quel est le plus grand commandement? »  Chez Marc et Matthieu, c’est donc Jésus qui joue le rôle de l’élève surdoué : il répond directement, sans ruser, en citant les Écritures, et la confrontation s’arrête là. Mais Luc chambarde tout, comme pour faire durer notre plaisir. D’abord, il ne reprend pas la question de départ. Chez Luc, le légiste veut savoir ce qu’il doit faire pour entrer dans le royaume, et Jésus le contraint à trouver lui-même la réponse dans les Écritures. Mais le légiste ne s’avoue pas vaincu et récidive par une autre question désespérément théorique: « Qui est donc mon prochain? »

Avec un art consommé de l’esquive, Jésus lui sert la parabole du bon Samaritain, comme pour lui  dire, « Plus malin que moi, tu meurs ! »  De fait, la parabole est un véritable traquenard pour le pauvre légiste. Dans les milieux juifs, la réponse à sa deuxième question était évidente : le prochain est tout membre de son peuple, à l’exclusion de tous les étrangers. Jésus connaît cette réponse qu’il rejette indirectement, mais fermement. « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho… » Il ne précise pas qui était cet homme, mais il y a tout lieu de supposer que c’était un juif. Ce juif se fait donc attaquer par des bandits qui le dépouillent, le tabassent et le laissent pour mort.

Des juifs très au fait de la Loi (un prêtre et un lévite) arrivent à cet endroit et voient l’homme agonisant. Ils passent « de l’autre côté » et ne portent pas secours à ce congénère dans le plus grand besoin. Or, cet homme est bel et bien « leur prochain » selon la Loi. Puis un Samaritain, c’est-à-dire un étranger, passe par là et réagit autrement : saisi de pitié, il pose envers l’infortuné tous les gestes de miséricorde que les deux représentants de la Loi ont soigneusement évités. Le légiste est finalement  obligé de descendre du ciel de la théorie pour répondre à la seule question pratique qui compte vraiment pour Jésus : « Qu’as-tu fait de ton frère humain, sans discrimination? » Et, toute honte bue, il doit admettre qu’un Samaritain, un étranger, peut s’emparer du rôle de modèle en manifestant à l’égard d’un juif dans le besoin, plus de générosité que des juifs patentés! Jésus a pourtant la victoire modeste. N’importe qui d’entre nous aurait dit à ce légiste battu à plate couture : maintenant, dégage, va au diable! Mais Jésus se garde de l’humilier. Il lui conseille simplement d’imiter le Samaritain de la parabole.

Melchior M’Bonimpa

2021/10/02 – Mt 18, 1-5.10

Les disciples demandent à Jésus qui est le plus grand dans le Royaume des cieux. Jésus met un enfant au milieu d’eux et déclare: « Celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est celui-là qui est le plus grand dans le Royaume des cieux. Et celui-là qui accueillera un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille ». Suit un avertissement sévère: Gardez-vous de mépriser ces petits, car ils sont importants pour le Père. Jésus prend un exemple de la vie courante. Si quelqu’un a perdu une brebis, il laisse là le troupeau pour aller à sa recherche. Cette brebis perdue devient plus importante que le reste du troupeau et lorsqu’elle est retrouvée elle cause plus de joie que les 99 brebis du troupeau. Jésus fait l’application de cette conduite à celle du Père: il ne veut pas qu’un seul de ces petits soit perdu.

Voilà une question des disciples qui est peut-être reliée d’abord à leurs aspirations pour des bonnes places dans le Royaume des cieux qui est encore pour eux sur un modèle bien terrestre. Mais il y a peut-être plus. Ils ont peut-être, comme saint Paul avant sa conversion, l’idée que ce qui est important aux yeux de Dieu c’est ce qu’il faut faire. L’idée que la justice, que ce qui est agréable à Dieu, c’est une affaire de performance personnelle. La réponse de Jésus semble bien correspondre à cette attitude.

Il met un enfant au milieu d’eux. L’enfant est celui qui n’a aucun droit ni aucun pouvoir. Il n’a aucun statut dans la société. Ceci est vrai non seulement pour la société juive de l’époque mais aussi bien pour la société romaine et la société grecque: puer en latin et pais en grec signifient aussi bien enfant et esclave ou serviteur. La connotation de l’enfant n’est pas l’innocence mais bien l’impuissance. Il n’existe qu’en dépendance. Il est donc, dans notre récit, aux antipodes de ce à quoi rêvent les disciples en entendant parler de Royaume, donc de roi et de pouvoir royal, pouvoir auquel ont accès ceux qui sont proches du roi.

Le plus grand dans le Royaume sera celui qui se fera petit comme cet enfant. Ce mot, petit, évoque immédiatement les thème des petits, des humbles, les anawim de Yahvé dans l’Ancien Testament. Déjà, on donnait comme la grande qualité de Moïse, son humilité : Or, Moïse était un homme très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté. (Nb.12,3) Ces humbles sont ceux qui ne comptent pas sur leur richesse ou leur pouvoir mais qui savent qu’ils dépendent de Dieu et s’appuient seulement sur leur confiance en Lui.

Sophonie avait prédit qu’une fois purifié, Israël serait un peuple humble et modeste (3,12) au milieu duquel Yahvé serait roi (3,14-18). Zacharie, plus tard, avait vu que le Messie qui venait serait un roi humble, monté sur un âne: il ne vient pas sur un chariot royal mais sur la monture du pauvre (9,9). Dans le Nouveau Testament, ces petits ou ces humbles, ce sont ceux qui ont une âme de pauvre dont parle la première béatitude et à qui est déjà donné le Royaume des cieux.(Mt.5,1) Ils sont ces petits, qui comme l’enfant, n’ont rien à apporter et tout à recevoir. C’est dans cet esprit que sainte Thérèse de Lisieux disait qu’elle se présentait devant Dieu les mains vides. Et Jésus déclare aux disciples qu’il est solidaire de ces petits si bien qu’en eux on peut accueillir le Christ lui-même.

Dans l’exemple que Jésus donne d’un homme qui laisse son troupeau pour aller chercher sa brebis perdue, ce qui frappe d’abord c’est la disproportion entre une brebis et les 99 autres. La disproportion devient très importante quand Jésus applique l’exemple du berger au Père qui est dans les cieux. Non seulement ceux qui sont perdus sont importants pour lui mais encore c’est lui qui prend l’initiative d’aller à leur recherche. C’est l’écho d’une parole de Jésus dans l’évangile de Luc : Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. (Luc 19,10)

Il y a donc d’abord une perspective universaliste dans ce récit. Tous ceux qui sont perdus sont importants aux yeux de Dieu. Mais cette perspective a des retombées au niveau de la communauté. Celle-ci ne doit pas exclure personne: elle doit rester ouverte à ceux que Dieu cherchent et veut sauver. Mais il y aussi dans la communauté des petits qui sont plus faibles que le reste du troupeau. Peut-être n’ont-ils pas de statut social comme des richesses ou de l’importance; peut-être aussi n’ont-ils pas beaucoup de connaissance. Saint Paul connaît de ces petits dans ses communautés; c’est pour eux qu’il est prêt à renoncer à des pratiques bien innocentes si elles peuvent les scandaliser ou leur nuire.” C’est mon droit” est une formule magique de nos jours. Mais le droit individuel n’est pas la première préoccupation d’un disciple du Christ. Pour quelqu’un dont l’idéal est de servir, le droit n’a jamais préséance sur les besoins des autres. Matthieu voit certainement cet aspect important pour sa communauté. Il a placé ce récit au milieu d’un ensemble d’instructions de Jésus qui s’adressaient à ses disciples mais visaient en même temps les communautés futures. Elles peuvent certainement nous être utiles encore aujourd’hui.

Jean Gobeil SJ

 

 

2021/10/01 – Mt 18, 1-5

Les disciples demandent à Jésus qui est le plus grand dans le Royaume des cieux. Jésus met un enfant au milieu d’eux et déclare: Celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est celui-là qui est le plus grand dans Royaume des cieux. Et celui-là qui accueillera un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille.

Voilà une question des disciples qui est peut-être reliée d’abord à leurs aspirations pour des bonnes places dans le Royaume des cieux qui est encore pour eux sur un modèle bien terrestre. Mais il y a peut-être plus. Ils ont peut-être comme saint Paul avant sa conversion, l’idée que ce qui est important aux yeux de Dieu c’est ce qu’il faut faire. L’idée que la justice, que ce qui est agréable à Dieu, c’est une affaire de performance personnelle. La réponse de Jésus semble bien correspondre à cette attitude.

Il met un enfant au milieu d’eux. L’enfant est celui qui n’a aucun droit ni aucun pouvoir. Il n’a aucun statut dans la société. Ceci est vrai non seulement pour la société juive de l’époque mais aussi bien pour la société romaine et la société grecque: puer en latin et pais en grec signifient aussi bien enfant et esclave ou serviteur. La connotation de l’enfant n’est pas l’innocence mais bien l’impuissance. Il n’existe qu’en dépendance. Il est donc, dans notre récit, aux antipodes de ce à quoi rêvent les disciples en entendant parler de Royaume, donc de roi et de pouvoir royal, pouvoir auquel ont accès ceux qui sont proches du roi.

Le plus grand dans le Royaume sera celui qui se fera petit comme cet enfant. Ce mot, petit, évoque immédiatement les thème des petits, des humbles, les anawim de Yahvé dans l’Ancien Testament. Déjà, on donnait comme la grande qualité de Moïse, son humilité : Or, Moïse était un homme très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté. (Nb.12,3) Ces humbles sont ceux qui ne comptent pas sur leur richesse ou leur pouvoir mais qui savent qu’ils dépendent de Dieu et s’appuient seulement sur leur confiance en Lui.

Sophonie avait prédit qu’une fois purifié, Israël serait un peuple humble et modeste (3,12) au milieu duquel Yahvé serait roi (3,14-18). Zacharie, plus tard, avait vu que le Messie qui venait serait un roi humble, monté sur un âne: il ne vient pas sur un chariot royal mais sur la monture du pauvre (9,9). Dans le Nouveau Testament, ces petits ou ces humbles, ce sont ceux qui ont une âme de pauvre dont parle la première béatitude et à qui est déjà donné le Royaume des cieux (Mt.5,1) Ils sont ces petits, qui comme l’enfant, n’ont rien à apporter et tout à recevoir. C’est dans cet esprit que sainte Thérèse de Lisieux disait qu’elle se présentait devant Dieu les mains vides. Et Jésus déclare aux disciples qu’il est solidaire de ces petits si bien qu’en eux on peut accueillir
le Christ lui-même.

Jean Gobeil SJ