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2021/10/23 – Lc 13, 1-9

Dans tout ce passage, Jésus enseigne avec insistance l’importance du moment présent. La nostalgie du passé et le rêve de l’avenir détournent du présent, qui seul est à notre portée. Nos décisions et nos actions se déroulent dans un présent qui prépare notre avenir. C’est dans ce présent qu’il faut veiller fidèlement, pour se convertir, s’engager et produire des fruits.

Deux accidents tragiques viennent de se produire. Les Galiléens, dont il est question ici, étaient probablement des nationalistes zélotes, qui auraient perturbé l’ordre dans le Temple et provoqué la réaction violente du gouverneur. L’autre incident, la Tour de Siloé s’est peut-être écrasée en raison des travaux commandés par Pilate pour améliorer l’approvisionnement de l’eau à Jérusalem.
Le peuple opprimé par les Romains lutte pour obtenir justice. Mais Jésus a le courage de dire à ses compatriotes que leur cause ne justifie pas les moyens violents pour la défendre. Il s’oppose à la révolte, mais également à la soumission. Il les prévient que s’ils laissent libre cours aux passions de vengeance et de haine dans leur coeur, ils se détruiront eux-mêmes. L’unique voie de salut, c’est la conversion du cœur.

Le figuier stérile

Dans la tradition biblique, le figuier est un arbre fruitier qui représente le peuple. La fidélité d’Israël à son Seigneur se mesure aux fruits que l’arbre produit. Le délai de produire des fruits, dans la parabole de Jésus, signifie l’absence prolongée de conversion, de retour à Dieu dans la foi. La disparition du figuier annoncerait la destruction de la nation. Le propriétaire de l’arbre , c’est Dieu, tandis que le vigneron est la figure du médiateur entre Dieu et le peuple, le Christ Jésus. Le plaidoyer du vigneron en faveur du figuier obtient un sursis d’une année, mais, même si la condamnation est reportée à plus tard, le jugement menace toujours. À la fin, le vigneron est obligé d’admettre qu’il sera juste de couper l’arbre, si les dernières mesures pour le rendre productif ne produisent aucune effet.

Urgence de la conversion

Jésus montre un ferme courage pour ne pas dévier de sa mission et de son message du salut. La foule, outrée par les répressions révoltantes du gouverneur, attend que Jésus, galiléen comme les victimes, condamne Pilate et prenne même la tête d’un mouvement populaire de résistance. Le courage du Christ consiste à refuser de suivre la foule dans son appétit de vengeance. Il l’apostrophe, au contraire, affirmant que tous ceux qui l’écoutent ont besoin, eux aussi, de se convertir. Jésus élève le débat au niveau du cœur et de la conscience de chacun.

Ce serait une erreur de penser que les victimes qui ont péri méritaient leur sort à cause de leurs péchés. Ayant évité une mort tragique, les juifs de la foule pourraient penser qu’ils sont innocents. En présence du Christ, nous sommes toujours ramenés à notre conscience. Nous devons sans cesse résister à nos illusions que notre idéal sublime et nos pensées généreuses nous rendent purs et sans reproche. « Le triomphalisme » de notre Église nous a peut-être entraînés à nous fier à cette fausse bouée de sécurité. N’oublions jamais que notre seule sécurité qui nous donne assurance devant Dieu, c’est notre humble défiance de nous-mêmes: « C’est lorsque je suis faible (à mes yeux) que je suis fort (de l’amour et de la force de Dieu) » (2 Cor 12,10).

Cet appel à la conversion de la part du Christ engage notre responsabilité personnelle. Nous sommes tentés d’oublier cette responsabilité, en nous appuyant sur la promesse infaillible de Dieu. Jean Baptiste dénonçait cette fausse sécurité: « Ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes: ‘Nous sommes les descendants d’Abraham’ (héritiers de la promesse de Dieu) (Luc 3, 8). Une autre illusion de sécurité consiste à diluer notre responsabilité personnelle dans le prestige de l’Église à laquelle nous appartenons.

Le jugement est inévitable et imminent, car la conscience de chacun le juge immédiatement. Nous avons connu une époque où prévalait la peur du Juge et des peines qu’entraînerait une condamnation. En réaction, nous avons éliminé l’image d’un Dieu menaçant. Par la suite, nous en venons à penser que nos décisions n’ont pas de conséquences. Si notre responsabilité s’évapore, nos actions ne seraient que de l’air qui passe, elles n’auraient pas de valeur. Qu’on le veuille ou non, le jugement se réalise aussitôt en nous, car nos actions nous suivent, elles sont inscrites en nous-mêmes.

Jésus nous invite à observer et à comprendre les signes des temps. Pourquoi sont-ils aussi importants? C’est que Dieu agit et se révèle dans le temps de notre histoire collective et individuelle. Dieu est à l’œuvre dans notre monde: « Mon Père est continuellement à l’œuvre et moi aussi je suis à l’œuvre » (Jn 5,17), dit Jésus. Il nous parle et nous interpelle par les événements qui s’y déroulent et qui sont des signes pour ceux qui y prêtent attention.

La vie que le Créateur nous accorde ne nous appartient pas, elle nous est prêtée pour une brève période. C’est un pèlerinage au cours duquel il faut prendre une décision fondamentale et radicale. Notre conversion n’est jamais parfaite, car elle comprend le détachement de tout ce qui n’entre pas dans le projet de Dieu pour chacun(e) de nous,. Jésus nous dit que chaque instant de notre vie est important, riche de décision, pour entrer de plus en plus en communion avec le Seigneur et son plan d’amour pour nous.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/10/22 – Lc 12, 54-59

Chaque matin et chaque soir, les médias, journaux, radio et télévision, nous présentent les prévisions de la température. Ces annonces sont importantes pour tous, car ils conditionnent l’environnement de notre vie physique et ils favorisent ou non notre bonne humeur.

Nous attachons de l’importance à ces conditions de notre environnement physique, qui est extérieur, mais notre environnement intérieur nous préoccupe-t-il autant ? Prêtons-nous une attention aussi intense aux signes des temps, qui influencent notre situation personnelle ? Jésus exhorte notre Église à discerner les signes généraux qui influencent notre époque. De même, il nous presse, chacun et chacune d’entre nous, de nous convertir à sa volonté manifestée dans les signes particuliers qu’Il nous donne.

« Esprits faux »

Jésus s’adresse, non plus seulement à ses disciples, mais à la foule, c’est-à-dire à toute personne humaine. Pourquoi Jésus est-il aussi dur à l’égard de son auditoire, les traitant « d’hypocrites » ? Comme tout hypocrite, les gens se divisent, ils se concentrent sur leurs préoccupations immédiates pour délaisser les aspirations de leur cœur, leur désir profond de vie éternelle. Les auditeurs de Jésus sont attentifs pour discerner les signes insignifiants autour d’eux, les signes apparents, superficiels. Mais que font-ils pour découvrir les signes profonds, les causes qui ont une longue portée et qui conditionnent leur vie ou leur mort, leur bonheur ou leur malheur ?

Avec la présence du Christ, l’Envoyé suprême de Dieu, qui donne sens et espérance à l’humanité, l’étape ultime de l’histoire a commencé. Lorsqu’il libère les humains des esprits mauvais, lorsqu’il guérit les malades, c’est Dieu qui veut donner une vie nouvelle aux enfants qu’il a créés par amour. Comment peut-on comprendre les signes de la température et ne pas reconnaître l’appel de l’Auteur de ces signes? Jésus s’étonne que chacun ne découvre pas par lui-même la juste manière d’agir et n’ait pas le courage de prendre une décision conforme au défi et à la gravité de l’époque que le Christ inaugure.

Les signes des temps

Une série d’incidents qui s’orientent dans le même sens forment ce que le Concile Vatican II nomme « les signes des temps. » Le Seigneur dirige l’évolution de notre monde et il nous exprime sa volonté par ces multiples signes, qui sollicitent notre attention et notre engagement. Bien plus que les prévisions de la température, « les signes des temps » exercent sur nous tous une influence durable et profonde.

Nous sommes tous solidaires des orientations et des engagements de notre Église. Celle-ci a reconnu en notre nom, au Concile, son devoir de prêter attention à ces signes, de les interpréter, de se convertir et d’agir selon la volonté de Dieu qui s’y révèle.

À notre époque, « les signes des temps » sont évidents et nombreux. Ils s’imposent à notre réflexion, car ils sont profonds et vont nous influencer durant une longue période. Signalons seulement les principaux :
1) Les moyens de communication se sont multipliés : radio, téléphone, télécopieur, internet, déplacements aériens rapides,… Notre planète est devenu un grand village. Ce qui se produit en n’importe quel coin du globe devient proche. Notre solidarité globale sollicite notre conscience quand survient, par exemple, un cataclysme.
2) Les multiples rencontres entre gens de différentes religions et cultures permettent de mieux nous comprendre les uns les autres et de devenir plus tolérants et même respectueux des gens différents de nous.
3) La liberté religieuse assure à chacun d’être lui-même et de favoriser l’œcuménisme et l’unité entre les croyants.
4) Le souci de la création, de notre « environnement », comme nous l’a prescrit le Créateur (Gen 1,26-28), s’impose de plus en plus à la conscience universelle.

Urgence de se convertir

Avec la venue du Messie, la dernière époque de l’histoire dirigée par Dieu a commencé. La présence de cet Envoyé suprême place les contemporains du Christ devant la décision centrale de leur existence : l’accueillir et se repentir, ou demeurer sourd et aveugle, ignorant sa présence. Nous sommes confrontés aujourd’hui à la même urgence, même si nous vivons vingt siècles après Jésus. Depuis sa venue, son sacrifice sur la croix et sa résurrection, la dernière période de l’histoire a commencé. Lorsqu’il nous appelle par des signes ou des inspirations personnelles, notre réponse devrait être notre accord avec sa volonté.

Jésus recourt à une courte parabole pour nous enseigner l’urgence d’une décision. Celui dont la cause est perdue d’avance doit chercher par tous les moyens à se réconcilier avec son adversaire qui le traîne en procès devant le juge. Pour éviter la condamnation, une entente à l’amiable s’impose.

Nous sommes tous des coupables, nous sommes tous des pécheurs qui avons besoin de nous réconcilier avec le Juge suprême. La conversion, l’accord avec la volonté de ce Juge, qui veut notre salut, est l’unique solution. Le temps est court pour prendre cette décision, sinon la fatalité de la condamnation attend celui qui demeure sourd à l’appel de son Seigneur.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/10/21 – Lc 12, 49-53

À la naissance du Sauveur, un ange du ciel annonce cette heureuse nouvelle au groupe des privilégiés, les pauvres bergers: « N’ayez pas peur, un Sauveur vous est né. » (Lc 2,11) Puis une multitude de l’armée céleste loue Dieu : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et, sur la terre, paix parmi les humains en qui il prend plaisir ! » (Lc 2,14)

La mission du Sauveur consiste donc à apporter la paix à l’humanité.

Lorsqu’il couronne sa mission par sa résurrection, le Seigneur rencontre ses disciples en leur souhaitant la paix. (Lc 24,36 ; Jn 20,19) À la fin du dernier repas avec les siens, il leur avait promis la paix, dont il est la source : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. » (Jn 14,27) ; « Je vous ai parlé ainsi pour que vous ayez la paix en moi. » (Jn 16,33)  Comment Jésus peut-il dire maintenant que ce n’est pas la paix qu’il vient établir dans le monde, mais la division et la guerre ? Comment comprendre cette contradiction ?

Feu et baptême

Le feu est un symbole, qui, à travers la Bible, signifie la présence purificatrice de Dieu. Il se présente en Juge qui discerne le bien du mal et qui sépare le bon grain de la paille. À la Pentecôte, l’Esprit descend sur chacun des disciples présents sous la forme de langues de feu. (Act 2,3) Il vient les purifier et, en même temps, les fortifier et les inspirer de louer les merveilles accomplis par le Seigneur. À ces Galiléens, des pêcheurs ignorants, il donne le courage de s’adresser à la foule et d’affronter les 71 membres du Sanhédrin, la plus haute autorité chez les Juifs. (Act 4,1ss ; 5,17ss)
Le baptême noie dans la mort celui qui y est plongé. Le péché et la souffrance du passé disparaissent dans l’eau du baptême. Purifié de tout mal, le baptisé sort transfiguré de cette immersion.

Impossible d’être neutre

Au nom de Dieu, son Père, le Christ offre au monde la vie, la paix et le bonheur. En le ressuscitant, Dieu lui donne son propre titre de « Seigneur », pour qu’il soit la source de la paix et de tous les biens qui peuvent combler la personne humaine. Pour recevoir cette paix, le monde doit s’ouvrir au Ressuscité par la foi. C’est une décision libre que chacun prend face au Crucifié-Ressuscité, mais cette décision exige l’exclusivité. Il ne peut être question de dire un « oui », qui n’engagerait qu’une partie de notre personne. Un tel engagement suppose nécessairement une conversion, un renoncement à tout son passé de péché et de refus de Dieu. Cette décision pour le Christ provoque fatalement une séparation de ceux et celles qui ne partagent pas la même foi.

Tout amour exige un sacrifice, le pur amour, sans mélange, réclame le sacrifice absolu de tout ce qui s’oppose à cet amour ou même à ce qui se trouve en dehors de lui. « Les petites causes demandent de petits sacrifices, mais les grandes causes exigent de grands sacrifices, » selon un précepte du parti communiste.

Les exemples sont nombreux d’amoureux qui ont tout quitté, parents et amis, par fidélité à la personne qu’ils aimaient. Ils ont tout abandonné et sacrifié pour un amour transitoire d’ici-bas, tandis que Celui qui sollicite notre amour est le Fils unique de Dieu : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi. » (Gal 2,20) La réponse, qui correspond à un tel amour, ne peut être que radicale, comme celle de François d’Assise, se dépouillant de tout et se séparant de son père, qui ne reconnaît plus son fils, qui s’avance sur le chemin du dénuement et de la sainteté.

Jean-Louis D’Aragon SJ

 

2021/10/20 – Lc 12, 39-48

Jésus continue les instructions à ses disciples. Leur vigilance doit être continue comme celle d’un maître de maison qui ne veut pas être surpris par un voleur qui percerait le mur de sa maison. Pierre alors demande si cette parole s’adresse à eux aussi. Jésus lui répond en poursuivant la parabole. Quel est le serviteur à qui le maître de la maison confiera la direction des autres serviteurs? C’est celui qu’il aura trouvé au travail quand il est arrivé. Mais si celui qui avait la charge des autres a profité de l’absence du maître pour en abuser, à son retour, le maître s’en séparera. La responsabilité d’un serviteur dépend de sa connaissance de la volonté du maître: mieux il la connaît, plus grande est sa responsabilité: à qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup.

Jésus termine une exhortation à la vigilance continuelle de la part des disciples comme celle d’un maître de maison qui ne veut pas être surpris par un voleur. Pierre pose alors une question qui est ambiguë mais la réponse de Jésus vise une demande comme celle-ci: est-ce que cette demande de vigilance continuelle nous vise aussi nous, les Douze.

Le Seigneur reprend la même parabole et Luc utilise le titre de Seigneur pour souligner que Jésus parle avec toute son autorité pour une déclaration importante. Dans la parabole, il y a un changement: il ne s’agit plus d’un simple serviteur mais d’un intendant, c’est-à-dire d’un serviteur qui est en charge des autres serviteurs. Et pour bien souligner qu’il parle de ceux qui seront en autorité après la résurrection, comme les Douze et leurs successeurs, le verbe est au futur: l’intendant à qui le maître confiera la charge de ses domestiques. L’intendant qui est considéré veut être fidèle et sensé, c’est-à-dire fidèle, digne de confiance, et avisé ou sage parce qu’il sait que le travail quotidien, ordinaire, est important pour la vie éternelle.
Le maître qui arrivera à l’improviste et le trouvera au travail lui confiera la charge de toute sa maison.

Ce qui suit donne trois sortes d’exemples de la façon dont un intendant, ou un chrétien en autorité, peut manquer à son devoir. La première façon est d’abuser de son autorité sur les autres. La seconde est d’oublier que lui aussi doit être toujours vigilant même si le maître tarde à venir. Finalement, c’est de se servir de son poste pour satisfaire ses intérêts.

On sent, dans ces exemples, qu’il y a toujours des dangers dans l’exercice de l’autorité et que l’évangéliste tient à le rappeler. La conclusion: A qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage.

Jean Gobeil SJ

2021/10/19 – Lc 12, 35-38

Jésus raconte une parabole où les disciples sont comparés à des serviteurs qui le soir attendent le retour de leur maître. Ils doivent être en tenue de service avec leurs lampes prêtes à servir. Après une fête, leur maître peut arriver bien tard et même dans le milieu de la nuit. Heureux ces serviteurs qui seront prêts à lui ouvrir la porte quand il arrivera: le maître les fera passer à table et les servira lui-même.

La parabole est une illustration de la nécessité de la vigilance, de la patience et de la fidélité que doivent avoir les disciples. C’est un thème qu’on retrouve souvent dans l’évangile de Luc parce qu’il s’accorde bien avec la notion du temps de cet évangile.

Le temps de Luc c’est le temps de l’Église. C’est le temps à la fois du déjà là et du pas encore. Le Royaume est déjà là. Le Seigneur avertit ses disciples qu’il ne faut pas l’attendre. Il ne faut pas se laisser tromper par ceux qui disent qu’ils savent où il est ou bien qu’il s’en vient. C’est le présent, le maintenant qui est important car:
Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous. (Luc 17,21)

Les trois premiers chapitres de l’évangile montraient qu’avec l’Incarnation du Christ, l’Esprit Saint était présent et actif. Le Royaume était commencé et la joie, l’action de grâce et la louange abondaient.

Ainsi Luc changeait la perspective des toutes premières communautés. Au lieu de l’attente d’un futur c’est la réponse à une présence que devaient montrer les disciples: c’est le temps de l’Église.

Mais le Royaume n’est pas encore manifesté dans toute sa gloire. Il y a encore la présence du mal, la possibilité des persécutions, la faiblesse et parfois l’abandon des disciples. Il y a l’absence du Christ visible. Comme dans la parabole, la nuit peut paraître longue et les disciples ont besoin d’être encouragés.

C’est ce que fait aussi la parabole en parlant d’un repas que le maître donne à ses serviteurs. Le ciel était souvent représenté comme un repas avec le Seigneur. Dans un repas où Jésus faisait une remarque sur la résurrection des justes un convive avait ajouté:
Heureux celui qui prendra son repas dans le Royaume de Dieu. (Luc 14,15)

Un repas représente non seulement la présence visible mais encore l’intimité. C’est l’encouragement qu’offre l’Apocalypse qui donne comme une explicitation de la parabole:
Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi.
(Apocalypse 3,20)

Jean Gobeil SJ

2021/10/18 – Lc 10, 1-9

Avons-nous ici une simple répétition de ce qui précède immédiatement à 9,1-6, où Luc rapporte l’envoi en mission des douze apôtres? Pourquoi un autre envoi en mission, même si celle-ci est plus développée que la précédente ?

Remarquons tout d’abord que ce sont ici des disciples, non les apôtres, que Jésus charge de cette mission. Ils sont soixante-douze, nombre qui signifie l’universalité des nations (d’après l’énumération de Gen 10,2-31). Les disciples représentent tous les chrétiens de l’avenir, qui recevront eux aussi la fonction d’évangéliser le monde. Dieu, dans son amour, veut que tous les peuples et tous les humains soient sauvés. Luc insiste sur cet universalisme du salut, lui qui est d’origine grecque, donc païenne. Cette mission des 70 (ou 72) disciples annonce le Livre des Actes, le second volet de l’ouvrage de Luc, qui décrira le début de cette évangélisation universelle. Notons que, dans les Actes, les principaux acteurs de l’évangélisation, à part Pierre, ne sont pas les douze apôtres, mais Étienne, Philippe, Barnabé et Paul, qui sont des disciples et qui appartiennent probablement au groupe des Hellénistes.

Ce nombre rappelle également les 70 anciens (72, avec les deux qui reçurent l’Esprit, même s’ils n’assistèrent pas à l’assemblée dans la tente de la rencontre), que Moïse, sur l’ordre de Dieu, choisit comme ses assistants et qui reçurent l’Esprit du Seigneur pour remplir leur fonction (Ex 24,1ss; Nomb 11,24-30). Ce groupe de 70 anciens préluda au Sanhédrin qui, présidé par le grand prêtre, régissait Israël depuis le retour de l’Exil jusqu’au temps de Jésus.

Continuer la mission de Jésus

Les évangiles de Matthieu (28,16-20), de Luc (24,48s ; comp. Act 1,8) et de Jean (20,21) attestent que c’est le Seigneur ressuscité qui envoie solennellement en mission tous les siens. Ils doivent proclamer la victoire du Ressuscité sur la mort, sa vie glorieuse et la transmettre par le rite du baptême à tous ceux et celles qui l’accueilleront dans la foi.

Que signifie alors le présent envoi en mission des disciples, précédé par celui des apôtres? Les trois évangélistes veulent montrer ainsi que l’évangélisation par les chrétiens de tous les temps s’enracine dans le ministère même de Jésus. C’est la mission du Christ Jésus qui se prolonge dans celle de ses disciples. Ce n’est donc pas une fonction reçue de l’extérieur, même si elle provient du Seigneur ressuscité.

Mission difficile

À la suite du Christ, ses disciples ont le devoir d’annoncer que le Règne de Dieu est tout proche. La Source de la vie et de la paix vient habiter au milieu de ses fidèles. Cette proclamation est tellement importante qu’on ne peut se laisser distraire et retarder, en particulier par les longues salutations coutumières en Orient. Les disciples vont deux par deux, car il faut deux témoins pour attester la vérité. Ils parcourent « toutes les villes et localités où lui-même (le Christ) devait aller. » Seule la rencontre personnelle avec le Seigneur établit l’union et la communion qui transmet la vie.
Le préalable à l’union au Christ est la guérison de tout mal, qu’il soit physique ou moral. En communiquant la vie, le Seigneur, par ses disciples, guérit l’humanité croyante de l’esclavage qu’elle s’est infligée par ses péchés d’injustice et d’égoïsme. Dans le Royaume de Dieu, tous les élus resplendissent de liberté, d’amour et de gloire.

Tâche impossible

La moisson représente traditionnellement le rassemblement des justes, qui couronnera l’histoire humaine. Les obstacles à une telle mission sont nombreux et, apparemment, insurmontables. Annoncer au monde entier l’Évangile est une tâche impossible pour le nombre infime des ouvriers. C’est uniquement la prière qui obtiendra de nombreuses vocations, non pas seulement de prêtres, de religieux et de religieuses, mais de tout chrétien qui prend conscience de la mission qu’il a reçue à son baptême et à sa confirmation.

L’accueil réservé à ces missionnaires ne sera pas toujours encourageant. Jésus compare ses disciples à des agneaux qui rencontreront l’hostilité des loups. Pour affronter de tels adversaires, Jésus dépouille ses fidèles de tout secours humain : « Pas d’argent, ni sac, ni sandales. » Réduit à une pauvreté radicale, ces missionnaires ne peuvent qu’espérer et compter sur le secours de leur Seigneur.

Dans les quelques décennies récentes, notre Église a subi un dépouillement complet. Le Seigneur nous a montré que la richesse et le prestige sont une illusion. Une Église riche, fortement structurée et puissante ne convertira jamais le monde. Les nombreuses vocations au sacerdoce et à la vie religieuse ont diminué radicalement. L’autorité ecclésiastique a perdu son prestige dans l’ensemble de la société. Les richesses du clergé et des communautés religieuses se dissipent. Nos sanctuaires, désertés, sont devenus un patrimoine lourd à porter. Le triomphalisme n’a plus de base pour se motiver.

Selon les normes de notre société, qui n’apprécie qu’une efficacité mesurable par des résultats tangibles, notre Église s’orienterait vers une pauvreté, qui serait proche de sa disparition. Et pourtant ! Ce dépouillement progressif ne serait-il pas un signe des temps pour nous ramener à l’état de dépouillement que le Seigneur a voulu pour ses disciples en mission ?

Conclusion

Deux signes des temps s’imposent à nous : l’appauvrissement de l’Église et la rareté des vocations sacerdotales et religieuses. Tout signe des temps porte l’empreinte de la volonté de Dieu. La pauvreté nous ramène aux normes dictées par le Christ à ses missionnaires. Le succès viendra de Dieu seul.

La rareté des vocations traditionnelles oblige notre Église à délaisser le cléricalisme, qui concentrait toutes ses activités dans les mains des prêtres et des religieux. Le Seigneur veut que chaque chrétien et chaque chrétienne prenne vivement conscience de sa responsabilité personnelle, que chacun et chacune est appelé à œuvrer dans le champ de ce monde, à la moisson de Dieu.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/10/14 – Lc 11, 47-54

Après s’être adressé à des Pharisiens en général, Jésus s’est adressé aux légistes, c’est–à-dire à des scribes, des spécialiste de la Loi. Il a commencé par les déclarer malheureux parce qu’ils chargeaient les gens de fardeaux impossibles à porter alors qu’eux-mêmes grâce à leur savoir réussissaient à les éviter. Il les accuse dans notre texte de faire partie de la génération de ceux qui ont tué les prophètes. Ils continueront à tuer les prophètes et les apôtres ou à les persécuter. Il les accuse ensuite d’avoir la clé de la connaissance de la Loi mais de n’être pas entré dans cette connaissance et d’avoir empêché d’entrer ceux qui désiraient y avoir accès. Le résultat de ces paroles est que l’opposition des Pharisiens et des scribes contre Jésus se durcit.

Les premières accusations, celles adressées aux Pharisiens en général, pouvaient servir d’avertissements pour la communauté de Luc. Il s’agissait de dangers qui restent toujours présents comme la préoccupation des détails ou des choses secondaires au point de faire oublier les choses essentielles. Par ailleurs, il y a toujours aussi la tentation de mettre la religion au service de son avantage personnel plutôt que celui de Dieu ou celui des autres.

Mais les accusations de notre texte, adressées aux docteurs de la Loi, visent d’abord les adversaires de Jésus qui seront aussi les adversaires de ceux qui parlent au nom de Dieu, les prophètes et les apôtres. Jésus rappelle que les prophètes ont été persécutés et mis à mort. Il donne des exemples tirés de traditions populaires sur la vie des prophètes. Il parle d’Abel qui, selon ces traditions, aurait été mis à mort par Caïn parce qu’il parlait de la justice de Dieu. Ensuite, il mentionne Zacharie, le dernier de la liste des prophètes, qui aurait été lapidé sur le parvis du temple. En accusant les scribes de bâtir des tombeaux pour les prophètes, ils les accusent d’une façon imagée de vénérer les prophètes seulement quand ils sont morts! Ils sont ainsi solidaires de leurs ancêtres qui les ont exécutés. Il y a peut-être une prémonition de Jésus, qui en tant qu’envoyé du Père est le prophète par excellence: il partagera le sort des prophètes de la main des autorités religieuses. Il annonce en tout cas que cette opposition continuera pour les prophètes et les apôtres chrétiens.

Une fois refusée la voix des prophètes, que reste-t-il? L’accès à la parole de Dieu dans la Bible?
Les docteurs de la Loi devraient être ceux qui ouvrent à la connaissance de la parole de Dieu mais par leur souci des détails de l’observance des rites ils ne voient plus l’essentiel et empêchent les autres d’avoir accès à la connaissance de Dieu: ils sont des aveugles conduisant des aveugles, comme a déjà dit Jésus (Matthieu 15,14). Luc termine en disant que leur opposition à Jésus ne fait que grandir.

Jean Gobeil  SJ

 

2021/10/16 – Lc 12, 8-12

Le monde autour de nous a changé de visage en moins de cinquante ans. Les normes rigides qui régissaient notre société se sont modifiées. Les valeurs qui stimulaient notre vie ne sont plus les mêmes. En somme, une révolution sans secousse a modifié l’ensemble de notre monde.

L’uniformité dans tous les domaines s’imposait autrefois: habillement, langage, comportement et foi religieuse. À cette époque, on jugeait sévèrement celui ou celle qui ne participait pas à la messe du dimanche. Aujourd’hui c’est le fidèle qui fréquente son église le dimanche que les gens remarquent. Sa foi ne rencontre pas d’oppositions violentes, mais elle s’enlise dans ce climat de doute qu’on respire partout. Manifester sa foi, même dans des occasions banales, comme une visite de sympathie et une prière dans un salon mortuaire, exige des convictions personnelles.

Il serait exagéré de parler des chrétiens persécutés dans notre société, comme Jésus y fait allusion dans l’évangile d’aujourd’hui. Après l’Ascension du Seigneur, vers l’an 30, les chrétiens ont subi des vexations de toutes sortes : comparutions devant des juges, flagellations, emprisonnements et mises à mort. Le croyant avait le choix entre le reniement pour sauver sa vie, ou la fidélité jusqu’à la peine capitale.

De nos jours, l’opposition à la foi chrétienne n’est certainement pas aussi brutale. Elle se manifeste plutôt par un sourire narquois. On semble plaindre ces pauvres attardés, qui croient encore dans une évasion vers un au-delà. Qu’on le veuille ou non, ce sourire sceptique nous met en question ou plutôt ces moqueries nous forcent à décider face au Crucifié : cachons-nous notre communion avec Lui ou bien déclarons-nous ouvertement notre confiance en son amour ?

Pour résister et exprimer ouvertement sa foi, sans condescendance, il faut des convictions profondes. La persécution brutale provoque soit la chute, soit un sursaut d’énergie. La moquerie des sceptiques affaiblit l’espérance. Elle joue le rôle de la neige ou du sable qui entoure les roues d’un véhicule pour l’empêcher d’avancer.

Face au Crucifié

Trois annonces détaillées du mystère pascal scandent la montée du Christ vers Jérusalem. Après chaque annonce de sa passion, Jésus déclare clairement la condition pour être son disciple : « Quiconque veut me suivre doit porter chaque jour sa croix. » La foi vivante insère le chrétien dans le Christ pour participer à son cheminement jusqu’à sa résurrection. Cette foi est le canal vital qui transforme le croyant à l’image de son Seigneur.

Lorsque des oppositions surgissent sur le chemin vers la résurrection, qu’elles soient violentes comme la persécution ou narquoises comme les moqueries de notre monde, le chrétien a le choix entre le reniement ou l’affirmation de sa foi au Christ. Qu’il renie son Seigneur ou qu’il dissimule sa relation avec Lui, le pécheur détruit la communion avec Celui qui lui transmet la vie. La tentation est forte à notre époque du doute, non pas de renier le Christ, mais d’enfouir aux yeux de ceux qui sourient son identité avec Lui. C’est comme si on avait honte de sa croix !

Même après avoir caché au fond de nous-mêmes le signe du Christ par crainte des moqueurs, nous pouvons espérer son pardon. Il est l’Amour, le Miséricordieux, toujours prêt à rétablir la communion avec celui qui a eu honte de Lui. Il a pardonné à Pierre, qui avait affirmé par trois fois ne pas le connaître. (Lc 22,61s) Au moment où les bourreaux le crucifient, Jésus prie son Père de leur pardonner : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34) Au bandit qui l’implore timidement, Jésus lui promet : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Lc 23,43)

Le péché impardonnable

Comment Jésus peut-il dire que si quelqu’un blasphème l’Esprit Saint, ce péché ne lui sera jamais pardonnée? L’amour de Dieu est-il limité, ne couvrant pas le péché contre l’Esprit, qui serait impardonnable? Si Dieu n’est pas infini dans son amour, Il n’est plus Dieu.

Si on ne voit pas de solution du côté de Dieu, on peut la découvrir du côté du pécheur. Dans les évangiles de Marc (3,29) et de Matthieu (12,31-33), la déclaration de Jésus sur le péché contre l’Esprit suit l’interprétation malicieuse des exorcismes du Christ par les docteurs et les Pharisiens: « C’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. » Au lieu d’attribuer à Dieu ces guérisons, ils les rattachent au prince du mal. La grâce et la puissance de Dieu sont, pour eux, l’œuvre du démon.

Nos actes nous suivent, ils pénètrent et demeurent en nous, dans un sens positif ou négatif. Si on perd progressivement la faculté de reconnaître Dieu dans les signes qu’Il nous présente, on devient sourd à sa parole et à son appel au bonheur. Avec les refus répétés, on ferme ses yeux et ses oreilles, quand Dieu se présente. Un muscle ou une faculté inactive pendant des années devient amorphe, sans vie. Pourquoi le pardon n’est-il plus possible ? Parce que le repentir, la conversion, cette ouverture pour accueillir le pardon est devenue impossible. Ce qui est bon est jugé comme le mal ; le mal est apprécié comme le bien. C’est la perte du jugement moral, du gouvernail pour diriger sa vie. Le navire ou l’avion sans gouvernail se précipite fatalement vers la catastrophe.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/10/15 – Lc 12, 1-7

L’auditoire de Jésus est maintenant différent, mais le Christ continue la critique des Pharisiens qu’il avait commencé dans la salle à dîner où il avait été invité. Une foule considérable entoure Jésus et ses disciples. Quand le Christ s’adresse au cercle intime des siens, ce n’est pas pour leur communiquer un enseignement secret, mais pour les instruire, afin qu’ils soient en mesure de transmettre l’Évangile à tous. La foule, représentant l’humanité entière, entendra la Bonne Nouvelle du salut et du bonheur.

Le levain de l’hypocrisie

Ce ferment enfoui dans la pâte, symbolise la corruption et l’impureté. Le levain signifie l’enseignement des Pharisiens, qui mène à la ruine. Le danger de leur doctrine se cache sous un masque. L’hypocrite est celui qui revêt une façade qui contredit ce qu’il est intérieurement. Il affiche une apparence, comme les acteurs du théâtre ancien, qui changeaient de masques au milieu d’une pièce, selon l’un des rôles qu’ils devaient interpréter. Cette coutume du théâtre s’est transposée dans la vie des gens à travers les âges et jusqu’à nos jours. Nous cédons tous à la tentation de porter un masque différent selon les personnes que nous rencontrons. Sommes-nous francs avec ceux que nous rencontrons? Parlons-nous de la même manière à un riche et à un pauvre! Au contraire de ce dédoublement de personnalité, la franchise consiste à afficher devant les autres ce que nous sommes intérieurement, sans essayer de jouer une comédie différente devant les gens que nous rencontrons.

L’hypocrisie produit deux conséquences néfastes. D’abord on veut par ce subterfuge tromper les gens à qui on s’adresse. Au moyen de ce jeu théâtral, nous leur montrons un visage qui n’est pas vraiment le nôtre, qui n’exprime pas ce que nous sommes. En les trompant, on détruit la confiance qui est la condition essentielle pour établir les ponts de communication avec nos semblables. L’hypocrisie détruit les relations avec tout le monde et enferme l’hypocrite dans l’isolement.

Mais, en plus, l’hypocrite s’inflige à lui-même un tort grave. Son dédoublement de personnalité, extérieure et intérieure, qu’il joue pour tromper les autres, l’amène à se tromper lui-même et…à se détruire. Toute division, qu’elle soit physique ou morale, est un mal qui détruit. Pensons au cancer ou à la schizophrénie, ces maladies aux conséquences mortelles. En dénonçant l’hypocrisie, Jésus nous engage à réaliser l’unité en nous-mêmes, pour notre santé physique et morale, qui est la condition fondamentale du salut et de la vie.

La manie détestable du secret

De nos jours, on réclame la transparence à tous les niveaux de la société. On déteste les « cachotteries ». Pour être fidèles à l’enseignement de Jésus, nous, chrétiens, devons donner l’exemple de la transparence. Les secrets suscitent toujours des soupçons de tout ordre et détruisent les rapports humains. Ceux qui se cachent et qui ne sont pas francs se défient des autres et détruisent toute communication.

L’Évangile est le trésor qui enseigne le seul vrai chemin de la vie. Aussi il ne ressemble aucunement à ces religions à mystères, si populaires dans le monde gréco-romain, qui s’organisaient en clubs fermés. L’Église, qui prolonge la mission de Jésus, a le devoir d’être transparente et de ne pas essayer de cacher quoi que ce soit, même les scandales de son histoire. Tout secret finit pas être découvert et cette découverte, finalement, a des conséquences beaucoup plus graves que ce qui était caché. Devant le Juge suprême, tout secret disparaîtra. La vérité brillera aux yeux de tous.

Bannir toute peur!

Celui qui a éliminé l’hypocrisie de sa vie et qui ne cache rien est une personne franche et libre, que tous estiment. Elle ne craint rien, ni personne, sauf le Souverain Juge. L’opinion des autres, leur sourire moqueur et même la persécution ne devraient pas l’effrayer. Le regretté pape Jean-Paul II a répété tout au long de son pontificat cet encouragement: « N’ayez pas peur ! » Elle est bien vraie cette réponse du grand prêtre à l’officier qui gémit sur la situation déplorable de la religion traditionnelle sous la reine impie, Athalie :
« Je crains Dieu, cher Abner, et n’ai point d’autre crainte. »

Le premier motif pour un chrétien de ne rien craindre découle de l’Évangile, qui est la vérité sur le sens de sa vie et qui assure la fermeté de son espérance. Cette Bonne Nouvelle vient de Dieu, qui veille sur tout ce qu’il a créé, même sur le brin d’herbe, selon les anciens rabbins. Combien plus le Seigneur protège-t-il le disciple de son Fils, qui annonce et vit l’Évangile, sans peur, ni dissimulation.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/10/13 – Lc 11,42-46

Jésus déclare malheureux les pharisiens parce qu’ils observent des détails et oublient l’essentiel. Il les déclare malheureux aussi parce qu’ils se soucient des avantages extérieurs de leur position mais ne s’occupent pas de se convertir à l’intérieur d’eux-mêmes. Finalement il déclare malheureux les docteurs de la Loi qui sont plus intéressés à imposer aux autres des obligations de la Loi qu’eux-mêmes n’observent pas.

Jésus est allé dîner chez un pharisien qui s’est étonné, sinon scandalisé, de ce que Jésus n’avait pas observé la purification rituelle des mains. La réaction de Jésus a été de dénoncer la pratique des pharisiens qui se préoccupent des purifications extérieures des objets mais ne se soucient pas de la purification intérieure. Dans notre texte, les dénonciations de Jésus continuent de même que l’opposition entre des gestes extérieurs et des attitudes intérieures.

Les pharisiens se soucient des détails et oublient l’essentiel, déclare Jésus. La Loi demandait la dîme du blé, du vin et de l’huile (Ne.13,10-13) comme reconnaissance du Dieu créateur qui donnait le blé, les vignes et les oliviers. Mais les pharisiens multipliaient les applications de cette Loi, comme la dîme sur la menthe et la roue qui est une plante qui pousse sans même être cultivée. Cette observance matérielle de la Loi leur donne bonne conscience mais leur fait laisser de côté l’essentiel comme, dit Jésus, la justice et l’amour de Dieu. Ces deux thèmes sont les premiers enseignements des premiers prophètes.

Amos, le premier prophète dont nous avons la prédication, a dénoncé avec violence les injustices sociales, l’exploitation des pauvres et une religion avec des gestes purement extérieurs. Pour lui, il n’y a pas de relation avec Dieu s’il n’y a pas de relation de justice avec le prochain.

Le prophète Osée, qui est venu après lui, a parlé de l’amour de Dieu comme de l’amour d’un père pour son petit enfant, un amour personnel et intime, un amour qui a de la compassion et de la tendresse, qui demandait comme réponse un amour semblable de la part des hommes. Il dénonce une religion de gestes purement extérieurs: C’est l’amour qui me plaît et non les sacrifices. (Osée,6,6)
Il est aussi conscient des injustices mais pour lui, il n’y aura pas de société juste sans l’amour de Dieu. Amos parlait de la dimension horizontale de la relation avec Dieu; Osée parle de la dimension verticale.

Jésus a réuni ces deux aspects quand il a dit qu’il ne fallait pas séparer du commandement de l’amour de Dieu celui de l’amour du prochain. Mais pour avoir une vraie relation avec Dieu, il faut la conversion du cœur. En négligeant cela, les pharisiens avec leurs observances méticuleuses peuvent avoir une bonne conscience et présenter un extérieur impressionnant: ils sont comme ces tombeaux qui ont une belle apparence extérieure mais ne contiennent aucune vie.

Jean Gobeil SJ