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2022/01/01 – Lc 2, 16-21

Répondant à l’annonce de l’ange, les bergers viennent à Bethléem et trouvent Marie, Joseph et le nouveau-né dans une mangeoire. Ils racontent ce que l’ange leur a révélé au sujet de l’enfant. Ceux qui les entendent sont étonnés de leur témoignage. Marie retient et médite dans son coeur tout ce qui arrive. Les bergers repartent en glorifiant Dieu. Le huitième jour, pour la circoncision, on donne à l’enfant le nom que l’ange avait annoncé: Jésus.

La mention de la circoncision souligne que Marie et Joseph observaient fidèlement les prescriptions de la Loi. Cela reviendra à l’occasion de la présentation au temple. Mais ce qui est plus important, c’est que le nom est donné à cette occasion. Le nom représente la personne: ce qu’elle est ou encore la mission que Dieu lui donne. C’est l’ange qui, lors de l’annonce à Zacharie, avait donné le nom de Jean à celui qui serait le précurseur du Messie: c’est Dieu qui suscitait la naissance de Jean Baptiste et c’est lui qui donnait sa mission. De même à l’annonciation à Marie, c’est l’ange qui avait donné le nom de Jésus, un nom qui signifie en hébreu Dieu-sauve. Dans l’annonce aux bergers, c’est la première chose que l’ange dit aux bergers: Un Sauveur vous est né.

Le titre de Sauveur évoque d’abord une libération. Il sera le libérateur du péché, de ce qui sépare de Dieu. C’était un titre qui était donné à l’empereur parce qu’il avait apporté la paix, la Pax Romana. Mais pour Israël la paix, Shalom, doit, pour être complète, inclure la relation avec Dieu, l’accès à Dieu. Jésus sera le Sauveur qui procure l’accès à la vie même de Dieu.

Or, c’est à des bergers qu’est faite la première annonce de la naissance du Sauveur. Les bergers qui vivent avec leurs troupeaux et les conduisent à travers des terres non cultivées mènent des vies bien isolées. Ils ne sont pas considérés comme des gens que l’on doit fréquenter. Ils sont en marge de la société et les rabbins les mettent sur le même pied que les collecteurs d’impôts et les publicains: ils sont dans la catégorie des pécheurs. Dans son premier sermon à Nazareth, Jésus dira qu’il accomplit la prophétie d’Isaïe: il a été consacré pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il sera toujours proches des petits, des humbles, des marginaux et des exclus de la société. A sa naissance, il est déjà proche des bergers et de leurs bêtes: trois fois on mentionne que le nouveau-né est dans une mangeoire. Il déclarera d’ailleurs: le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. (Luc 19,10) Il est vraiment le Sauveur comme son nom de Jésus l’indiquait.

Il faut remarquer que pour Luc ces bergers sont le symbole des disciples de Jésus. Ils ont accueilli la bonne nouvelle. Ils ont répondu à cette annonce en allant à Bethléem. Ils ont proclamé le message qu’ils avaient reçu de l’ange. Ils sont repartis dans la joie en louant Dieu, comme les anges avaient fait. C’est vraiment ce que doivent être des disciples.

Jean Gobeil SJ

 

2021/12/31 – Jn 1, 1-18

La semaine dernière, nous avons fêté la nativité. À ceux et celles pour qui Noël ne signifie pas seulement ripailles et échanges de cadeaux, la liturgie a permis d’entendre le récit de la venue au monde de l’Homme-Dieu. Ils ont chanté les hymnes qui ont ravi l’âme chrétienne pendant des siècles. Et maintenant, l’Église nous invite à intérioriser toute la signification de l’événement commémoré en ce temps de Noël. Pour cela, aucun texte ne serait plus adéquat que le prologue du quatrième évangile. Curieusement, devant le seul texte du Nouveau Testament qui m’envoûte irrésistiblement, comme si l’exaltation mystique de l’auteur sacré était contagieuse, j’ai séché pendant des heures sans rien trouver d’intéressant à dire en guise de commentaire. Plutôt que de produire une réflexion sur ce texte, je l’aurais volontiers appris par coeur pour le déclamer comme un poème. De fait, il ne serait pas exagéré d’affirmer que le prologue de Jean est l’un des sommets de la poésie sacrée de tous les temps.

Je ne suis pas le seul à considérer l’introduction du quatrième évangile comme un bijou sans prix. Ainsi, la théologie féministe contemporaine d’expression française a pris possession de ce texte pour en donner une version qui remplace systématiquement le mot « Verbe » par le mot « Parole ». Cette ruse permet de féminiser même le mot Dieu : « Au commencement était la Parole, et la Parole était tournée vers Dieu, et la Parole était Dieu… » Tout cela me rappelle une fable orientale à propos d’un artiste génial qui, ayant peint un tableau d’une beauté superlative, décida de disparaître dans son œuvre d’art pour l’habiter définitivement, comme si ce n’était pas assez de l’admirer avec les yeux. C’est effectivement plus facile d’habiter le prologue de Jean ou de se laisser imprégner par lui que d’en faire un objet de réflexion.

Que dire de plus après ces aveux? Il me semble que ce texte révèle le code génétique et l’identité complète de celui dont nous célébrons la naissance à Noël. Les deux premiers versets insistent sur sa transcendance et sa divinité. Il était « au commencement ». Ce n’est pas un hasard que sont repris ici les premiers mots de la Genèse. Cela veut dire qu’en un sens, le Verbe n’est pas comme nous qui sommes marqués par la finitude. Il existe hors du temps qui, dans la conception biblique, a un commencement et une fin : en deçà de la création et au-delà du jugement dernier, le temps n’existe pas.

L’affirmation de la divinité du Verbe est tout aussi claire dès le départ : « …et le Verbe était tourné vers Dieu. Et le verbe était Dieu. » Ensuite, le prologue souligne l’idée que le Verbe transcende le cosmos puisqu’il est la parole créatrice, le démiurge, l’artisan qui fit venir le monde à l’existence: « Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut. » La métaphore de la lumière qui brille dans les ténèbres revient dans plusieurs versets. Elle sert à renforcer le rôle créateur du Verbe parce que, dans la Genèse, les ténèbres sont associées au tohu-bohu originel.

Cela dit, le prologue de Jean ignore « la logique des solides » qui obéit au principe de la non-contradiction. La transcendance du Verbe n’annule pas toute possibilité d’immanence. Après avoir présenté le Verbe comme le tout Autre, Jean affirme qu’il est devenu l’un d’entre nous : « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » Cette décision inouïe ne signifie rien de moins que l’anéantissement de l’absolu. Les théologiens ont désigné cette annihilation de Dieu en son Fils par un terme savant : kénose. La naissance du Verbe est le premier acte d’un processus qui mènera vers la passion, vers la mort de l’Homme-Dieu. Cela rappelle un thème très récurrent dans l’histoire des religions, celui de « la divinité assassinée » pour que les humains aient la vie (ou le salut). Ce drame est clairement évoqué dans les versets 11 et 12 : « … et le monde ne l’a pas reconnu… et les siens ne l’ont pas accueilli… ».

La passion ainsi annoncée signifie une chose et son contraire. Le Verbe s’est anéanti par amour. En lui Dieu s’est épris de l’humanité et a pris plaisir à nous approcher, à dresser sa tente parmi nous. Mais dans l’amour il n’y a pas que le côté délicieux. L’aventure coûtera au Verbe un prix presque impossible à payer : elle le conduira jusqu’à la croix. Jean-Baptiste, le précurseur du Verbe prédit cette tragédie : « Voici l’agneau de Dieu », l’agneau promis au sacrifice, aux noces de sang. Mais dans le quatrième évangile, l’anéantissement et l’exaltation coïncident, la mort, la résurrection et l’ascension sont concomitantes : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout à moi. »

Melchior M’Bonimpa

 

202/12/30 – Lc 2, 36-40

Lors de la présentation de Jésus au temple, le vieillard Syméon, un homme juste et pieux, l’a accueilli et il a prononcé son chant d’action de grâce. Luc ajoute maintenant le témoignage d’une femme de quatre vingt quatre ans qui est une prophète et qui servait Dieu par ses prières au temple. Elle loue Dieu et parle de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. Les parents retournent ensuite à Nazareth où Jésus grandit, rempli de sagesse et de la grâce de Dieu.

Pour Luc, la présentation de Jésus au temple est importante. C’est une nouvelle présence de Dieu qui réalise la prophétie de Malachie : Voici que je vais envoyer mon messager pour qu’il fraye un chemin devant moi. Et soudain il entrera dans son sanctuaire le Seigneur que vous cherchez. (Mal.3,1)

Depuis l’Annonciation, la présence de l’Esprit Saint s’est manifestée plusieurs fois. Elle se manifeste de nouveau pour le vieillard Syméon, un homme juste et pieux qui attendait la consolation d’Israël et l’Esprit Saint reposait sur lui. Il vint au Temple poussé par l’Esprit au moment où Marie arrivait avec son petit enfant et il le reçut dans ses bras. Il fait ensuite sa prière de louange au Seigneur.

Syméon n’est pas un membre du personnel du Temple. Il n’y en a aucun de mentionné d’ailleurs pour accueillir l’enfant Jésus. Luc ajoute un autre personnage pour faire cet accueil, Anne, une prophète qui était assidue à servir Dieu dans la prière au Temple. Elle survient elle aussi juste à ce moment: elle loue Dieu. Luc ajoute qu’elle parlait de l’enfant à tous ceux qui attendait la délivrance de Jérusalem c’est-à-dire à tous ceux qui étaient ouverts à la venue du Messie. Elle joue ainsi le rôle d’une disciple missionnaire. Luc soulignera dans son évangile les présences féminines parmi ceux qui suivaient Jésus. Ce seront des femmes aussi qui viendront annoncer la résurrection aux apôtres et Luc donnera même leur nom: Marie de Magdala, Jeanne et Marie, mère de Jacques.

Luc conclut l’évangile de l’enfance en mentionnant le retour à Nazareth et la croissance normale de Jésus, rempli de sagesse et de la grâce de Dieu.

Jean Gobeil SJ

2021/12/29 – Lc 2, 22-35

Les parents de Jésus vont au temple pour remplir les obligations de la purification de la mère et de la consécration du premier-né à Dieu. Poussé par l’Esprit, Syméon, un homme juste et religieux qui attendait le Messie, vient au temple au moment où les parents de Jésus y entraient. Il prend l’enfant dans ses bras et adresse à Dieu une prière d’action de grâce. Puis il bénit les parents et dit à Marie que son fils sera un signe de division puisqu’il sera la cause du relèvement et l’occasion de la chute d’un grand nombre. Elle-même aura le coeur transpercé.

La Loi est mentionnée trois fois dans le texte comme pour souligner que les parents de Jésus observent fidèlement les prescriptions de la Loi. Jésus lui-même dira qu’il n’est pas venu abolir la Loi ou les prophètes (Matthieu 5,17). Ceci indique que les actions et la personne de Jésus font partie du plan de Dieu et se relient donc avec l’action de Dieu dans le passé.

C’est pour observer cette Loi que les parents de Jésus viennent faire la consécration du premier-né et la purification de la mère. Mais pour observer ces deux rites, il n’est nullement nécessaire de se présenter au temple. La mention du temple est donc là pour attirer notre attention. L’annonce de la naissance de Jean Baptiste est le commencement de l’histoire de Jésus. C’est au temple que tout commence, alors que le peuple est en prière et que Zacharie va faire brûler du parfum dans le sanctuaire. Avec la Présentation ici, le temple est encore significatif. Il reviendra une troisième fois dans l’évangile de l’enfance avec le recouvrement de Jésus au temple. Voilà pour le commencement de l’évangile. Mais le temple revient dans la conclusion de l’évangile. Après l’Ascension, les disciples retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient constamment dans le temple à louer Dieu. (Luc 24,52-53)

Comme les trois mentions de la Loi dans notre texte, le temple, qui était à l’origine le lieu où était gardée l’arche d’alliance, rappelle l’histoire de l’action de Dieu pour son peuple. A cause de cela, il était l’endroit d’une certaine présence de Dieu. Les psaumes diront que du fond du temple Dieu entend la plainte du malheureux.

Or, au temps de Jésus, on attendait qu’avec la venue du Messie il y ait une nouvelle présence de Dieu dans son temple. Le prophète Malachie avait dit: Soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez. (Mal.3,1) La Présentation réalise cette attente. Il y a une nouvelle présence de Dieu. Elle se manifeste à quelqu’un qui n’est pas un membre du personnel du temple: Syméon. Il est décrit comme un homme juste et religieux, quelqu’un qui est fidèle à la Loi et à la prière. Il représente tous ces humbles et ces petits qui attendaient le Messie dans la fidélité. Pour lui, avec la venue de l’enfant, l’Esprit le conduit vers lui pour l’accueillir et pour recevoir la joie de sa présence.

Jean Gobeil SJ

2021/12/28 – Mt 2, 13-18

Dans notre humanité corrompue par le péché, l’injustice et la violence, ce sont les êtres les plus fragiles qui sont les victimes. Pensons aux enfants devenus soldats malgré eux, qu’on oblige à tuer et … à se faire tuer, à ceux qui doivent travailler dans des conditions révoltantes, … Le monde ancien n’était pas meilleur que le nôtre, il écrasait les enfants d’une manière encore plus cruelle. Quand on ne s’en était pas débarrassé avant leur naissance, on les abandonnait souvent. Chez les Romains, la coutume voulait qu’on dépose l’enfant nouveau-né sur les genoux de son père, qui décidait si son enfant vivrait ou non.

Dans cette veine de la violence et de la cruauté, Hérode dépassait les tyrans de son époque. Comme tous les ambitieux, il était hanté par le soupçon et il éliminait sans hésitation toutes les personnes qu’il soupçonnait, même celles qui lui étaient les plus proches. C’est ainsi qu’il fit exécuter sa belle-mère, son épouse et trois de ses fils. Pour l’évangéliste Matthieu, Hérode réincarne le terrible pharaon, qui, au temps de Moïse, voulait exterminer, par un génocide programmé, tous les enfants mâles des Juifs.

Consultées par Hérode, les autorités juives avaient indiqué exactement le lieu où le Messie devait naître, mais personne d’entre eux ne s’est déplacé. Ce sont des étrangers, les Mages, qui ont cru et qui ont manifesté leur foi par leur démarche. Ces autorités juives, associées ici à Hérode, préfigurent celles qui rejetteront et condamneront à la crucifixion le Christ Jésus.

Les enfants de Bethléem, massacrés par Hérode, nous rappellent les bébés juifs que le pharaon noyait dans le Nil. Pourquoi célèbre-t-on leur sainteté, alors qu’ils ne étaient ni conscients, ni libres pour croire en Dieu et en son Envoyé? Très tôt, la piété populaire, confirmée par l’Église, a célébré leur mémoire en les déclarant « Saints Innocents. » Nous oublions trop facilement que nous ne sommes pas des êtres isolés, indépendants, repliés sur nous-mêmes. Ces enfants se rattachaient inconsciemment au Sauveur qui venait de naître parmi eux. Ils étaient solidaires, associés au Christ Jésus, et participaient par avance à sa passion.

En dépit de ce stratagème d’Hérode et de ce massacre répugnant, la cruauté de la violence et de la haine n’aura jamais le dernier mot. La sagesse et l’amour de Dieu l’emportent toujours sur la force brutale. Par son ange, Dieu déjoue le stratagème du tyran. Il ordonne à Joseph de partir avec « l’enfant et sa mère » pour l’Égypte, la terre traditionnelle des réfugiés. Mais il ne lui donne pas d’autres précisions, sur l’endroit exact de son séjour et sur le temps de cet exil. Joseph ne pose pas de questions, il obéit, modèle de disponibilité, qui accomplit exactement ce que l’ange lui a ordonné. Le salut dépend toujours de cette parfaite confiance dans le plan mystérieux de Dieu.

À son retour d’Égypte, Jésus réactualise l’Exode de son peuple, que Dieu a délivré de la terre de l’esclavage, pour l’orienter à travers le désert vers la liberté, vers la Terre promise. Dans cette citation du prophète Osée (11,1), le Seigneur prend son peuple près de lui et lui donne le titre de « Mon Fils ». En appliquant cette déclaration divine à Jésus, Matthieu veut signifier que le Christ est le peuple de Dieu, qu’il l’incorpore en lui, pour cheminer avec lui vers la Terre promise, la terre de la liberté, de la vie et du bonheur.

En conclusion, Matthieu rappelle la prophétie du prophète Jérémie (31,15), qui décrit la tragédie des Juifs exilés à Babylone, sur lesquels leur mère, Rachel, se lamente. Jésus prend sur lui toutes les misères, toutes les souffrances, celles des exilés et celles des mères éprouvées par la violence et la cruauté. Les mères des « Saints Innocents » et toutes celles et ceux qui ont mis leur confiance en Dieu semblent écrasés et vaincus par les violents, comme le Christ condamné et exécuté. Mais la réponse de Dieu éclatera dans la résurrection de Jésus, qui prouvera que son amour n’est jamais vaincu. Les exilés de Babylone et tous ceux qui gisent loin de Dieu reviendront dans la Terre, dans la patrie qu’il leur avait promise.

Jean-Louis D’Aragon SJ

 

 

2021/12/27 – Jn 20, 2-8

Pour commémorer l’apôtre Jean, la liturgie nous présente aujourd’hui le disciple bien aimé de Jésus, qui accompagne Simon-Pierre au sépulcre de Jésus. Très tôt, la tradition de l’Église a identifié ce disciple avec l’apôtre Jean, l’auteur du quatrième Évangile. Dans le présent passage, il apparaît supérieur à Pierre, parvenant le premier au tombeau de Jésus et il est le premier qui croit à la résurrection, alors qu’on ne dit rien de la foi de Pierre.

Après le sabbat, Marie se rend très tôt au tombeau, entre trois et six heures du matin. Elle ne vient pas pour compléter l’ensevelissement, comme le mentionnaient les trois autres évangiles, mais par amour et fidélité à son Maître. Elle ne croit pas encore à la résurrection de Jésus, même après avoir vu le tombeau vide. Pensant à la violation du tombeau, comme il survenait parfois à l’époque, elle court prévenir les deux disciples: « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. » Le pluriel « nous » laisse entendre que Marie n’est pas seule, même si l’évangéliste concentre son attention sur elle.

L’association de Pierre et du disciple bien aimé apparaît pour la première fois au repas d’adieu de Jésus (Jn 13, 23; comp. 21, 7.20-23). Ce disciple « courut plus vite que Pierre », manifestant mieux que Pierre sa fidélité et sa générosité à l’égard de son Maître. Il laisse Pierre entrer dans le sépulcre, qui en examine l’intérieur et constate que tout est en ordre, bien plié, ce que n’auraient certainement pas fait des violeurs de tombeau, qui craignaient la peine de mort, s’ils étaient pris. Pourtant on ne dit rien de la foi de Pierre face à ces indices.

Le disciple bien aimé entre à son tour dans le sépulcre, en examine comme Pierre l’intérieur et devient le premier et le modèle de tous les croyants: « Il vit et il crut ». Il voit des détails secondaires, les bandelettes d’un côté et le suaire roulé à part. Tel fut le signe que Dieu lui présenta pour susciter sa foi. De même, il sera le premier à reconnaître le Seigneur au bord du lac, après le signe de la pêche miraculeuse (21, 7).

Le disciple voit et comprend le message contenu dans ces quelques signes. La révélation de Dieu s’incarne dans notre histoire et dans notre monde par des signes, dont le centre et le coeur est la personne de Jésus, à la fois parfaitement homme (la dimension visible du signe) et Dieu (le sens contenu dans le signe). Tout ce qui vient du Christ Jésus contient cette double dimension, ils sont des symboles qui nous suggèrent la révélation de Dieu.

Dieu nous parle constamment dans l’histoire en général et dans notre histoire personnelle par des signes. Il faut être attentif pour les entendre et les comprendre. Le roi Charles VII, jaloux de Jeanne d’Arc, se plaignait: « Pourquoi vos voix vous parlent-elles, et non à moi? » Et Jeanne de répondre naïvement: « Elles vous parlent, mais vous n’écoutez pas. » Telle est la leçon que le disciple bien aimé enseigne à tous les chrétiens et à tous les humains : s’oublier soi-même et ses préoccupations pour entendre et comprendre la Parole. « Il vit et il crut » résume pour l’Évangéliste l’essentiel de l’attitude chrétienne. « Voir » les signes, les interpellations de Dieu dans le domaine sensible de notre histoire. « Croire » que Dieu est présent et nous parle dans ces signes.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/12/25 – Jn 1, 1-18

En guise de préface à son Évangile, Jean emprunte une hymne chrétienne déjà existante, qu’il complète pour introduire les idées essentielles que son livre développera. La mission du Verbe incarné, selon Jean, consiste dans une descente d’en haut vers le monde des humains, qui sont d’en bas, et dans une remontée auprès de Dieu. Dans son message d’adieu aux siens, Jésus leur résume ces trois étapes de sa mission: Je suis venu du Père et je suis arrivé dans le monde. Maintenant je quitte le monde et je m’en vais auprès du Père. (Jn 16, 28)

Comme le Prologue offre un résumé de l’Évangile, on y retrouve trois parties: 1) Le Verbe préexistant (avant la création) auprès de Dieu (vv. 1-5); 2) Le ministère du Verbe parmi les humains depuis son incarnation, avec un fort accent sur le refus incompréhensible que lui oppose le monde (vv.6-13; 3) La glorification du Verbe, qui comble ceux qui croient, en leur accordant grâce sur grâce (vv. 14-18).

La Parole de Dieu, Personne divine (vv. 1,14), est la Lumière (vv.5,9) et le Fils unique de Dieu (vv.14,18). Il est devenu chair, c’est-à-dire homme limité et faible (v.14). Bien que rejeté par les siens, il accorde à tous ceux qui l’accueillent par la foi le pouvoir de devenir enfants de Dieu, en sorte qu’ils participent à la plénitude de Dieu. Cette grâce provient de l’amour de Dieu, qui surpasse le don de la Loi par Moïse.

La tradition rattachait le début du ministère de Jésus à celui de Jean Baptiste. Aussi l’évangéliste mentionne Jean avant que la lumière vienne dans le monde, affirmant que sa mission consistait à rendre témoignage au Verbe Lumière (vv.6-8). Uni à ceux qui ont vu la gloire du Verbe venu dans la chair, Jean témoigne qu’il existait avant la création (v.15).

Le Verbe et Dieu

Ce prologue commence en précisant la relation qui unit le Verbe à Dieu (vv. 1-2). Dans une relation personnelle avec Dieu, le Verbe vit de Dieu et en Dieu. Le Verbe, sans cesse tourné vers Dieu, s’ouvre complètement à Dieu, qui lui donne tout, en sorte que le Verbe est lui-même Dieu (v.1c). Mais Dieu n’absorbe pas le Verbe, qui conserve son identité distincte de Dieu. L’Évangile reprendra cette relation étroite avec les termes de Père et de Fils. Jésus exprimera avec force son union à Dieu, affirmant que moi et le Père, nous sommes un (10, 30), non pas seulement unis, mais d’une certaine manière une seule réalité. Aussi Jésus peut-il répondre à Philippe qui lui demande de lui montrer le Père: Celui qui m’a vu a vu le Père,…je suis dans le Père et le Père est en moi. (14,9-10)

L’idéal de vie offerte par le Verbe

La condition humaine ne se comprend que dans une vue globale de son histoire, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe. Il faut connaître ses racines et le terme vers lequel tend son cheminement. Aussi Jean évoque le début, la création de l’univers, Tout a été fait par lui (v.3), et le but que doit poursuivre le croyant, devenir enfants de Dieu (v.12) et recevoir du Fils glorifié grâce sur grâce (v.16). L’histoire d’un individu ou d’une communauté ne peut avoir de sens que si elle progresse dans une continuité vers un but. Or cette continuité dépend de la fidélité à un projet. Telle est la loi exigée pour se développer. Le progrès, le bonheur et la vie sont à ce prix.

Jean enseigne au croyant à voir avec optimisme l’univers et l’histoire, car tout vient de Dieu, qui agit par son Verbe: Tout a été fait par lui (v.3). Contrairement à ceux qui, à son époque, enseignaient que la chair et la matière étaient mauvaises, Jean affirme à la suite de la première page de la Bible que tout est bon. Aucune chose n’est mauvaise en elle-même. Après avoir mentionné à quatre reprises que ce qu’il avait créé était bon, le récit de la création concluait: Dieu constata que tout ce qu’il avait fait était vraiment une très bonne chose. (Gn 1,31) Aussi le croyant doit avoir le sens de la beauté et s’émerveiller, car pour lui tout est grâce.

Le projet de Dieu pour l’humanité et pour chaque être humain se résume dans le don de la vie et de la lumière: La vie était la lumière des hommes et, en venant dans le monde, elle illumine tout homme. (vv.4.9) L’amour de Dieu se révèle dans cette offre incessante qu’il adresse par son Verbe incarné à toute personne, malgré les refus du monde.

La lumière et le monde

Le Verbe incarné n’était pas une lumière parmi d’autres qui pourraient la corriger ou la compléter. Il est l’unique lumière, l’unique révélation valable pour l’être humain. Celui-ci ne peut se disperser en adhérant à plusieurs sagesses, révélations ou projets, car on devient le Dieu en qui on croit. Adhérer à Dieu et à des idoles, c’est s’écarteler, se diviser et se détruire. La monition du prophète Élie est toujours d’actualité: Quand cesserez-vous de pencher tantôt d’un côté, tantôt de l’autre? Ou bien c’est le Seigneur qui est le vrai Dieu…ou bien c’est Baal. (1 Rois 18,21)

La tentation à laquelle succombe le monde (l’humanité séparée de Dieu) quand le Verbe incarné lui offre la lumière, c’est de refuser de sacrifier son autonomie et sa fausse sécurité (vv.10-11). Le monde craint Dieu et s’en défie, parce que Dieu n’offre pas de garanties tangibles et mesurables que son projet pour la personne humaine est raisonnable. Ceux qui, au contraire, acceptent de se livrer totalement à Dieu présent dans son Verbe constatent que leur personne est entièrement transformée. Dieu en effet leur a permis d’accéder à un nouveau registre d’existence. Il les a engendrés et ils sont devenus ses enfants (vv.12-13).

L’unique Médiateur

L’offre constante du Verbe, la vie et la lumière, trouve son couronnement lorsqu’il assume complètement, dans sa personne, la condition humaine (v.14). L’incarnation véritable du Fils, unissant en lui le divin et l’humain, paraîtra toujours un mystère scandaleux. À l’encontre d’un large groupe de la communauté de Jean, la 1ère épître proclamera sa foi dans cette manifestation inouïe de l’amour de Dieu (1 Jn 4,2-3.14-16). Tout au long de l’histoire de l’Église, plusieurs voudront éliminer en Jésus, soit Dieu, soit l’homme. L’union étroite de Dieu et de l’humanité dans le Christ constitue pourtant le cœur et le trait distinctif de la révélation, dont les conséquences sont essentielles pour la vie chrétienne.

La médiation du Christ (v.18) est absolument nécessaire, car aucun être humain ne peut atteindre par lui-même Dieu, la source unique de toute vie. Quand il a l’illusion de communiquer avec Dieu, il le déforme et le caricature, le réduisant à ses limites humaines, à ses défauts et à ses passions. Aussi la révélation, venant d’en haut vers l’être humain, par amour et gratuitement, est nécessaire pour qu’il dépasse sa condition terrestre et qu’il atteigne un au-delà de lui-même. La veille de sa mort, le Christ résume sa mission dans ce mouvement du haut vers le bas et du bas vers Dieu: Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde; tandis qu’à présent je quitte le monde et je vais au Père (Jn 16,28).

Cette médiation du Fils de Dieu incarné parmi nous est unique, la seule qui permet d’aller vers le Père. Elle englobe toutes les autres médiations, qui n’ont qu’une valeur relative, dans la mesure où elles préfigurent celle du Christ qui viendra ou qu’elles explicitent celle du Fils, qui contient toute la Parole de Dieu (v.17). C’est par référence à cette révélation unique qu’il faut juger tout message qu’on présente comme provenant de Dieu.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/12/24 – Lc 2, 1-14

La naissance de Jésus

En ce temps-là, l’empereur Auguste donna l’ordre de recenser tous les habitants de l’empire romain. Ce recensement, le premier, eut lieu alors que Quirinius était gouverneur de la province de Syrie. Tout le monde allait se faire enregistrer, chacun dans sa ville d’origine. Joseph lui aussi partit de Nazareth, un bourg de Galilée, pour se rendre en Judée, à Bethléem, où est né le roi David. Il alla s’y faire enregistrer avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Pendant qu’ils étaient à Bethléem, le jour de la naissance arriva. Elle mit au monde un fils, son premier-né. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’abri destiné aux voyageurs.

L’annonce d’un ange aux bergers

Dans cette même région, il y avait des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leur troupeau. Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les entoura de lumière. Ils eurent alors très peur. Mais l’ange leur dit: “N’ayez pas peur, car je vous apporte une bonne nouvelle, qui réjouira beaucoup tout le peuple: cette nuit, dans la ville de David, est né pour vous un Sauveur; c’est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous le fera reconnaître: vous trouverez un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche.” Tout à coup, il y eut avec l’ange une troupe nombreuse d’anges du ciel, qui louaient Dieu en disant: “Gloire à Dieu dans les cieux très hauts et paix sur la terre pour ceux qu’il aime.”

Avec le temps, nous avons embelli les crèches de nos églises, au point d’oublier la pauvreté et l’humiliation de Jésus et de ses parents. Nous n’avons pu nous résoudre à voir la réalité brutale que le Fils de Dieu a choisie pour venir habiter dans notre monde. Et pourtant, c’est l’enseignement qu’il nous donne dans les circonstances qui entourent sa naissance et dans les pauvres bergers qui viennent reconnaître et vénérer leur Sauveur. L’apôtre Paul résume la signification profonde de la Nativité de notre Sauveur, afin d’encourager les Corinthiens à se montrer généreux: Jésus Christ, qui était riche, s’est fait pauvre en votre faveur, afin de vous enrichir par sa pauvreté. (2 Cor 8,9)

Les circonstances

Tous les détails nous révèlent un Messie pauvre. Son dénuement à sa naissance annonce la pauvreté radicale qu’il subira à la fin de sa mission, lorsqu’il sera fixé à la croix, dans un dénuement et une impuissance totale.

Ses parents habitent la province du nord, cette Galilée méprisée par l’élite de Jérusalem. Leur modeste village, Nazareth, n’avait aucun éclat, puisque les Écritures sacrées l’ignoraient. Sa mère et son père ne peuvent même pas l’accueillir à sa naissance dans leur demeure; une contrainte imposée par la puissance romaine oblige ses parents à franchir les 120 kilomètres environ qui les séparent de Bethléem, la patrie de leur ancêtre David. Au terme de ce trajet épuisant pour une femme enceinte, ils découvrent qu’il n’y a pas de place pour des pauvres dans le caravansérail. Ils en sont réduits à chercher refuge dans un abri pour les animaux. C’est dans cette misère la plus totale qu’apparaît parmi nous le Fils de Dieu, le Sauveur du monde. Ce nouveau-né fragile, on ne peut que le déposer dans une crèche, une mangeoire pour les animaux.

Telle est la réalité provocante de la naissance de Dieu dans notre monde! Scandale de la Nativité qui correspond au scandale de la croix! Où se trouve ce Messie, sauveur, puissant et victorieux de toutes les puissances du mal? Dans l’espérance juive, comme dans la nôtre, le Sauveur ne pouvait être un enfant frêle et démuni. Il devait apparaître subitement, d’une manière mystérieuse, sur les nuées du ciel, tel un nouveau David, triomphant de tous les Philistins, oppresseurs de ses fidèles. L’apôtre Paul a raison de s’écrier que la croix, préfigurée par la naissance de Jésus, est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Grecs, c’est-à-dire pour les humains que nous sommes (1 Cor 1, 23). Qui donc peut accueillir le mystère d’un Sauveur pauvre, sinon ceux qui ont un cœur de pauvres?

Le Messie des pauvres

Selon nos manières de voir et d’agir, nous avons transformé et auréolé les bergers qui ont reçu le message de l’ange et qui sont venus vénérer leur Sauveur. Pourtant les gens de cette époque ne les estimaient guère ces gens frustes. Ils n’étaient pas propriétaires des troupeaux sur lesquels ils veillaient, ils étaient de simples journaliers. Ne pouvant observer la Loi en raison de leur métier, ils étaient méprisés comme impurs et même comme des voleurs. Leur pauvreté devenait, pensait-on, une occasion de voler leur maître. C’est à ces pauvres, de mauvaise réputation, que Dieu envoie son ange pour annoncer le Sauveur. Remarquons que, dans l’Évangile de Matthieu, ceux qui viennent adorer le Christ sont également des marginaux, des païens, des magiciens, que l’Écriture juge sévèrement. Ces deux groupes, les bergers et les mages, sont les seuls qui accueillent le message céleste du salut et qui obéissent à l’invitation divine. Les évangélistes ne mentionnent que ces deux groupes de marginaux, qui sont disponibles pour discerner leur Sauveur dans un pauvre enfant.

À l’apparition de l’ange du Seigneur et de la gloire céleste qui les entoure, les bergers ressentent la crainte, non pas la peur. La crainte dans la Bible provient de l’attrait pour le sacré, pour le divin, mais en même temps exprime le respect inspiré par l’indignité humaine. Comme dans toutes les apparitions, l’ange les exhorte à bannir la peur, car Dieu ne veut pas nous écraser, mais nous combler de sa paix et de sa joie.

Après leur avoir annoncé la venue du Sauveur, l’ange leur donne un signe déconcertant, pour ne pas dire scandaleux. Ce grand roi, le fils du prestigieux ancêtre David, le Christ, celui qui est marqué du sceau divin, le Seigneur, celui en qui Dieu s’incarne, vous le trouverez « enveloppé de langes et couché dans une crèche », nouveau-né fragile et démuni. Quoi de plus contraire à ce que ces bergers imaginaient! Le Sauveur Dieu! un bébé de pauvres, réfugié dans une mangeoire pour les animaux! Et pourtant ces gens simples croient, ils ont confiance dans ce message de joie, car leur pauvreté les rend libres d’esprit et de cœur.

Un chœur céleste exalte le mystère du Seigneur qui veut sauver de cette manière l’humanité qu’il aime. Tous les dons proviennent de cet amour insondable, qui procure sécurité et paix à tous ceux et celles qui acceptent d’être aimés.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2021/12/23 – Lc 1, 57-66

La naissance de Jean- Baptiste est cause de joie pour la famille et les voisins d’Elisabeth. A la circoncision, Elisabeth et Zacharie, séparément, ont l’inspiration de lui donner le nom de Jean, un nom qui n’appartient pas à la tradition de la famille, pour souligner l’action de Dieu et le présage d’une vocation spéciale. Zacharie retrouve alors la parole et loue le Seigneur. La main du Seigneur était avec Jean et les gens se demandaient quelle serait sa vocation.

Pour Jean, l’évangéliste, Jean-Baptiste est celui qui témoigne. En voyant Jésus il déclare : “Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.”

L’Agneau est une référence à l’agneau pascal, un symbole de libération. Il enlève le péché du monde: c’est une référence à la prédiction d’Isaïe sur le personnage futur du serviteur qui portera ou enlèvera les péchés. Il est donc le Sauveur qui vient libérer.

“Celui qui m’avait envoyé m’avait dit: “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint”. Et moi j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l’Élu de Dieu.” (1,29.33-34)

Pour les synoptiques, il est le précurseur, celui qui prépare la venue du Messie. Mais pour Luc, c’est à l’intérieur de l’évangile de l’enfance et Jean-Baptiste participe à la présence de l’Esprit Saint et à la joie qui entoure l’Incarnation. Comme pour Jésus, il y a une annonciation par un ange; comme Marie, Zacharie le père a un chant d’action de grâce. Comme pour Jésus, il y a la cérémonie du nom qui est donné.

Tout en respectant le caractère unique de la personne de Jésus, Luc souligne l’importance de la naissance de Jean-Baptiste. Elisabeth est âgée et n’a jamais eu d’enfant: sa grossesse est due à la Providence et la comble de joie. La rencontre de Marie est aussi une rencontre de l’Esprit Saint. Le don du nom de Jean souligne l’importance du rôle que Dieu lui réserve.
Zacharie est un prêtre; à cause de cela, il serait normal que Jean-Baptiste reçoive le même nom que son père ou au moins le nom d’un ancêtre important. Or lorsqu’on demande à Elisabeth, puisque Zacharie est encore muet, quel sera le nom de l’enfant, elle répond sans avoir pu se concerter avec son mari que ce sera Jean. A son tour, Zacharie écrit sur une tablette: son nom est Jean. La raison est que c’est Dieu, par l’intermédiaire de l’ange dans la vision de Zacharie au temple, qui a imposé le nom de Jean. Or quand Dieu donne un nom, comme Jésus le fera pour Simon, c’est pour indiquer une vocation à une mission.

Et cette mission réalisera la promesse que Dieu avait faite par l’intermédiaire du prophète Malachie que nous avons entendue dans la première lecture : Ainsi parle le Seigneur Dieu: Voici que j’envoie mon messager pour qu’il prépare le chemin devant moi. (Malachie 3,1)

Jean Gobeil SJ

2021/12/22 – Lc 1, 46-56

La première lecture parle de Anne, une femme qui était stérile et qui avait déposé son chagrin devant Dieu au sanctuaire de Silo. Le prêtre Eli lui avait alors souhaité: Que le Dieu d’Israël t’accorde ce que tu lui a demandé. Anne avait eu un enfant, Samuel. Elle est revenue au sanctuaire pour offrir cet enfant au service du sanctuaire. Son cantique d’action de grâce suit cette lecture. Marie est venue visiter sa cousine. Après la salutation inspirée d’Élisabeth, Marie, à son tour, chante son action de grâce, le Magnificat.

Il y a des points communs entre les deux chants. Dieu se penche sur les faibles; Dieu élève les humbles. Marie est son humble servante. L’humilité et les humbles sont des thèmes qui passent à travers l’Ancien Testament et le Nouveau.

On peut commencer avec Moïse: Moïse était l’homme le plus humble que la terre ait porté. (Nombres 12,3)

Les prophètes parleront d’abord des pauvres, ceux qui n’ont ni richesse ni prestige dans la société et qui savent qu’ils ne peuvent compter que sur Dieu. Puis on parlera des humbles, les pauvres de coeur qui savent qu’ils sont des créatures de Dieu, le Dieu très saint, et qui en attendent le pardon et le salut.

Aux humbles, Dieu donne la sagesse et ils sont ordinairement pourvu de la douceur: ils sont les doux, qui n’ont pas de prétention et n’oppriment personne. On les appelle aussi les humbles de Yahvé parce que Yahvé a de la prédilection pour eux et qu’ils sont prêts à l’accueillir.

Dans Luc, les premiers à recevoir la nouvelle de la naissance de Jésus sont des humbles, les bergers. Ils sont très mal considérés dans la société du temps. A l’annonce de la naissance, ils partent aussitôt pour Bethléem.

Maris se donne comme l’humble servante du Seigneur. C’est une caractéristique de quelqu’un qui a la vraie humilité de reconnaître que ce qu’il a, il l’a reçu.

Jésus dira qu’il est doux et humble de cœur (Mt.11,29), la description des humbles de Yahvé. Il dira aussi qu’il est venu non pour être servi mais pour servir. Il prendra la position d’un humble serviteur dans la scène du lavement des pieds des disciples.

Jésus parlera de ceux qui l’accueillent en les appelant les tout-petits à qui Dieu a révélé sa sagesse. C’est un terme qui s’applique littéralement à des petits enfants, qui sont des bons exemples dans la société d’alors, de personnes sans droit, sans prestige ni pouvoir propre. Doux et humble de cœur, pour servir, illustre ce que nous voyons dans la nativité et l’idéal que Jésus a laissé pour ses disciples.

Jean Gobeil SJ