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2020/12/17 – Matthieu 1, 1-17

2020/12/17 – Matthieu 1, 1-17

L’évangile commence par la généalogie de Jésus divisée en trois sections. La première section comprend 14 générations d’Abraham à David; la seconde a aussi 14 générations de David à l’exil; la troisième, du retour de l’exil jusqu’à Jésus, a aussi 14 générations. Ainsi, Jésus est l’aboutissement de l’histoire de la promesse qui a commencé avec Abraham.

Cette généalogie est importante pour Matthieu. Elle a un rôle à jouer. On aurait pu comprendre qu’il soit important de montrer le lien entre Jésus et David pour justifier son titre de Messie. Mais en allant jusqu’à Abraham, Matthieu veut faire autre chose.

Abraham est le commencement de l’histoire d’Israël. C’est à lui que Dieu a promis qu’il aurait une descendance et que cette descendance deviendrait une bénédiction pour tous les clans de la terre. (Gen.12,3) La généalogie représente donc l’histoire de la réalisation de cette promesse. C’est l’histoire du plan de Dieu. Les chiffres sur lesquels insiste Matthieu ont pour but de montrer que ce n’est pas un déroulement par hasard mais bien le plan voulu par Dieu. Jésus fait partie de ce plan: il en est le couronnement. C’est pour revenir sur ce plan de Dieu que Matthieu sera l’évangéliste qui fait le plus de citations de la Bible (41) et pour montrer ainsi que Jésus réalise ce qui avait été annoncé ou préparé. Jésus dira au début du Sermon sur la montagne: Je ne suis pas venu abolir (la Loi ou les Prophètes) mais accomplir. (Mt.5,17)

Dans cette lignée, il y a un fait insolite qui est là pour souligner l’action de Dieu à travers des situations très “irrégulières”. La descendance est ordinairement établie par la lignée masculine. Or, à quatre reprises Matthieu mentionne des femmes. Thamar et Ruth ont contribué à assurer la descendance à leur mari décédé en s’unissant à un parent selon la loi du lévirat. Rahab était une prostituée de Jéricho qui protégea les espions de Josué. En reconnaissance de cela, elle et sa maison fut épargnée quand Jéricho fut détruite. Bethsabée, la mère de Salomon, avait été l’épouse d’Ourias le Hittite dont David avait été la cause de sa mort. Matthieu fait comme les commentateurs juifs qui considéraient ces femmes comme des saintes parce que Dieu les avait choisies pour continuer la descendance d’Abraham et de David. Mais Matthieu se trouve à souligner autre chose en les nommant. L’auditoire de Matthieu sont des juifs convertis. Et il semble bien que Matthieu voulait leur rappeler l’importance des non-juifs aux yeux de Dieu. Ces femmes importantes pour la succession d’Abraham ou de David sont des étrangères: Thamar et Rahab sont des Cananéennes; Bethsabée est probablement Hittite comme son premier époux et Ruth est non seulement Moabite, Moab est un ennemi important d’Israël, mais Jessé qui est né d’elle fut le père de David! Ces détails de la généalogie de Matthieu ne pouvaient échapper à des oreilles juives.
Matthieu sentira le besoin de rappeler à sa communauté la nécessité de voir plus loin que le cadre d’Israël. Les premiers à reconnaître la royauté de Jésus à Bethleem sont des étrangers: des Mages.
Au sujet du centurion à Capharnaüm, qui est probablement un syrien mais sûrement pas un juif puisqu’il est à la solde d’Hérode Antipas, Jésus déclare:
En vérité, je vous le dis, chez personne je n’ai trouvé une telle foi en Israël. (Matthieu 8,10)

Mais en même temps, Matthieu encourage sa communauté à avoir un grand respect pour ce que représente le judaïsme. Il a cette phrase de Jésus:
Car je vous le dis, en vérité: avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i, ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. (Matthieu5,18)
Jésus vient réaliser et couronner l’histoire que Dieu a commencée avec Abraham, une histoire que la généalogie de Jésus vient rappeler.

Jean Gobeil SJ

2020/12/16 – Luc 7, 18b-23

2020/12/16 – Luc 7, 18b-23

Jean Baptiste, qui est prisonnier, envoie deux disciples demander à Jésus: Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre? Pour illustrer sa réponse, et, en même temps illustrer que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres, Jésus délivre des possédés et fait des guérisons. Puis il leur dit: Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu. Suit une liste d’exemples de libérations qu’Isaïe promettait pour la venue de celui qui devait venir. Jésus conclut avec un avertissement: Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi.

Cet avertissement de la fin souligne qu’il y avait une difficulté à la base de la démarche des disciples de Jean Baptiste. Jésus ne correspondait pas parfaitement à l’image du Messie que la prédication de Jean Baptiste suggérait. Jean avait parlé de la venue d’un jugement et de la menace d’une condamnation. Ce serait le moment de la séparation des bons et des mauvais. Les images qu’il employait étaient celle du vannage de la récolte où la paille est séparée du bon grain et jetée au feu ou encore celle de la hache qui abattrait l’arbre qui ne portait pas de fruit. La seule façon de se protéger de cette condamnation était de se préparer par la pénitence et le signe d’un baptême. L’image du Messie ne pouvait être que celle d’un juge puissant et impitoyable. Ce serait le temps de la grande alarme et non de la bonne nouvelle.

Jésus leur répond de la même façon qu’il fera avec les disciples d’Emmaüs, des disciples découragés par la mort du Christ: il leur fait écouter les paroles d’Isaïe, la parole de Dieu. Ses paroles ici sont des échos d’Isaïe dans ce qu’on appelle le livre de la consolation. Nous l’avons entendu aujourd’hui dans la première lecture parler d’un Dieu qui est créateur, qui crée un monde pour la vie, une terre pour qu’elle soit habitée; un Dieu qui est juste et sauveur qui émet une parole de salut même pour ceux qui s’étaient dressés contre lui et qui reviennent couverts de honte.
C’est un texte semblable, un texte de délivrance et de salut, que Jésus a choisi dans Isaïe pour sa première prédication à Nazareth:
L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour apporter la bonne nouvelle aux pauvres; il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vie, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. (Luc 4,18-19)

C’est la sorte de Messie que Jésus est: il apporte la bonne nouvelle aux pauvres.
Il apporte une bonne nouvelle, que Dieu vient rencontrer pour sauver. Mais ceux qui sont les mieux préparés pour l’accueillir sont ceux que la Bible appelle les pauvres ou les petits, les anawim. Ils sont ceux qui qui ne peuvent compter ni sur leur richesses ou leur talent, ou leur puissance ou leur statut social. Ils sont limités et ils le savent. Ils ne peuvent compter que sur Dieu. Ils sont ouverts à la bonne nouvelle de la venue de Dieu.

C’est précisément ce à quoi l’Avent nous prépare.

Jean Gobeil SJ

2020/12/15 – Matthieu 21, 28-32

2020/12/15 – Matthieu 21, 28-32

Les deux fils de cette parabole se ressemblent du fait qu’ils sont tous les deux divisés en eux-mêmes: ils agissent en contradiction avec leur réponse qu’ils ont adressée à leur père. Le premier refuse d’obéir, mais, par la suite, il fait ce que son père lui a demandé. Le second fils acquiesce poliment, mais il ne fait rien. Une telle division destructrice sévit trop souvent à l’intérieur de tous les humain, esclaves de leur égoïsme et de leur péché.

Le premier fils s’oppose à la volonté de son père, mais, après avoir souffert de cette division, il refait son unité en conformant son action au désir de son père. Le second fils voit bien ce qui est le meilleur, il le dit en acquiesçant au désir de son père, mais son inaction contredit ensuite l’idéal qu’il a entrevu.

Quelle est la signification de cette allégorie?

Le propriétaire de la vigne représente le Seigneur. Le premier fils, qui refuse d’obéir, ce sont, à l’époque de Jésus, les publicains et les prostituées, Au temps de l’Église, ce fils rebelle est la figure des païens qui, après avoir violé les exigences inscrites par leur Créateur dans leur nature, se convertissent et entrent dans la Communauté chrétienne. Après avoir erré loin de leur Seigneur, ils ont entendu finalement l’appel de changer de vie et de croire à la Bonne Nouvelle. Travailler à la vigne symbolise donc l’obéissance à la volonté de Dieu.
Le se¬cond fils qui dit « Oui », mais qui ne va pas travailler, est l’image des chefs des prêtres et des anciens, qui, malgré leur profession apparente d’obéissance à la volonté de Dieu, rejettent l’appel de Jean Baptiste et de Jésus de se convertir. Jean a « vécu selon la justice », en plein accord avec la volonté de Dieu; sa vie garantissait l’authenticité de son message. Il parlait au nom de Dieu, mais il dérangeait. Prolongeant l’appel de Jean, la proclamation de Jésus bouleversait l’ordre établi. Les chefs ont non seulement refusé son appel à la conversion, mais ils l’ont violemment condamné à la croix.

Les adolescents ont la tentation de se révolter contre tout commandement, qu’il vienne de leurs parents, de leur professeur, de l’autorité civile ou de l’Église. Ils soupçonnent dans tout ordre une atteinte à leur liberté et à leur personnalité. Même parvenus à l’âge adulte, nous résistons secrètement à toute loi. Nous obéissons souvent après plusieurs refus. Obéir est difficile pour les descendants d’Adam, qui ont cultivé le doute et la défiance.

Il est facile de dire extérieurement « Oui » à Dieu, tout en lui disant « Non » dans la réalité. Il est facile d’offrir une messe pour les âmes du purgatoire, tout en refusant de changer de vie en obéissant aux commandements de Dieu et de l’Église.

Les deux fils sont une source de peine pour leur père. Chez aucun des deux n’existe une parfaite harmonie entre leur parole et leur conduite. Mais, au-delà de la parabole, se profile la présence d’un troisième fils, celui qui propose la parabole, Jésus. Son attitude est complètement différente de celle des deux fils: « Le Fils de Dieu, Jésus Christ, que j’ai prêché chez vous, n’a pas été « Oui » et « Non », il n’a été que « Oui ». (2 Cor 1,19) Toute sa vie se résume dans cette prière à Gethsémani: « Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » (Mc 14,36). Nous serons vraiment ses disciples lorsque tout en nous sera « Oui » à Dieu.

Le Livre des Actes nomme souvent la foi chrétienne « La Voie ». Ce n’est pas seulement une doctrine, une philosophie,.. La réflexion, les pensées et les projets généreux sont sans valeur sans nos actions et notre pratique. « Je crois, mais je ne pratique pas », manifeste une foi sans consistance, une division intime dans sa personne. Un verre d’eau donné au nom du Christ vaut mille fois plus que les plus belles réflexions et que les plus brillants discours.

Plusieurs semblent avoir dit « Non » à Dieu, alors qu’ils travaillent en fait dans la vigne du Seigneur. Ils semblent nier Dieu, parce qu’on leur a présenté une fausse image de Dieu, une caricature déformante. Ils obéissent à la volonté du Seigneur quand ils se dévouent pour les démunis, comme médecins sans frontières,… Le Juge suprême, au dernier jour, les reconnaîtra comme les siens, même s’ils ne savaient pas que c’était Lui qu’ils secouraient (Mt 25, 34).

« Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu ». Une telle déclaration à la face des leaders du peuple juif a dû scandaliser. Si Jésus reprenait cette affirmation à propos des itinérants, des prisonniers,…de notre milieu, qu’en dirions-nous?
Les publicains et les prostituées ne peuvent s’illusionner sur leur situation devant Dieu. Ils ne peuvent se cacher, comme les pharisiens, sous une obéissance extérieure. Ils sont conscients que leur « Non » est « Non », un clair rejet de la volonté de Dieu. Cette absence d’illusion peut conduire vers le désespoir, qui, cependant, rend possible une prise de conscience, un cri d’appel, un retour vers le Père du prodigue. Mais le « Oui » apparent des justes, des pharisiens, peut rassurer et faire disparaître le besoin de conversion.

Nos refus accumulés dans le passé ne sont jamais irréversibles. Il dépend de nous de les annuler par un « Oui » du fond du cœur. Pour celui qui parvient à comprendre que Dieu est son Père, rien n’est impossible.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2020/12/14 – Matthieu 21,23-27

2020/12/14 – Matthieu 21,23-27

Jésus est entré dans le temple et il enseigne. Des chefs des prêtres et des anciens viennent l’interpeller et lui demander quelle autorité lui permet de faire ce qu’il fait et quelle sorte d’autorité il a. Jésus leur demande de dire quelle était l’autorité de Jean Baptiste: l’autorité lui venait-elle de Dieu ou des hommes? Les prêtres et les anciens refusent de se compromettre: ils ne peuvent pas dire de Dieu puisqu’ils n’ont pas reconnu la mission de Jean-Baptiste et la peur de la foule les empêche de dire que sa mission était purement humaine. Ils répondent: Nous ne le savons pas. Jésus déclare alors: Moi, non plus, je ne vous dis pas par quelle autorité je fais cela.

L’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem provoque la surprise dans Jérusalem.: Toute la ville fut agitée.(Mt.21,10) On demande: qui est-ce ? Les foules, celles qui accompagnaient Jésus, répondent: C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. Et Jésus agit immédiatement en prophète. Il fait la purification du temple en chassant les vendeurs ce qui rappelle la prophétie de Zacharie, parlant du Jour final de la venue de Yahvé: Il n’y aura plus de marchand dans la maison de Yahvé Sabaot. (14,21)

. Des aveugles et des boiteux s’approchent de lui et il les guérit. Des enfants acclament Jésus: Hosanna au fils de David. C’est une acclamation messianique. Les grands prêtres et les scribes sont indignés et ils protestent auprès de Jésus. Jésus leur répond en citant le Psaume 8,3: Yahvé lui-même a mis la louange dans la bouche des petits.

Jésus passe la nuit à Béthanie, en dehors de Jérusalem. Il revient le lendemain au temple où il enseigne. Les grands prêtres reviennent et avec eux des Anciens, c’est-à-dire des notables dont certains font partie de la cour suprême, le Sanhédrin. Ils veulent savoir d’où lui vient son autorité et quelle sorte d’autorité il a. Ils ne viennent pas pour l’écouter ni pour reconnaître les signes qu’il fait. Ils font ce qu’ils ont fait pour Jean Baptiste. Les foules acceptaient Jean Baptiste. Eux n’acceptent pas de concurrence: ils ont le monopole de la parole. Et ici, sur le territoire du temple, ils sont encore plus agressifs: c’est leur domaine et aussi une grosse source de revenus. C’est pour cette raison d’ailleurs que grands prêtres et anciens ont toujours pactisé avec les autorités hérodiennes ou romaines. Cela reviendra au procès religieux de Jésus où on essaiera de le faire condamner pour de prétendues attaques contre le temple.

La venue de Jésus à Jérusalem est l’occasion de son témoignage final. Il fait une entrée comme un Messie mais comme un Messie humble: il n’est pas un Messie guerrier ou un roi qui vient pour dominer. Des gens savent quand même le reconnaître comme le fils de David qu’ils attendaient et des enfants l’acclament même dans le temple. Jésus veut donc rendre un témoignage final sur la sorte de Messie qu’il est. Il est le prophète, l’envoyé qui vient purifier le temple pour la venue de Dieu dont parlait Malachie:
Voici que je vais envoyer mon messager pour qu’il fraie un chemin devant moi. Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez; et l’Ange de l’alliance (le Christ) que vous désirez, le voici qui vient! dit Yahvé Sabaot . (Mal.3,1) Les miracles qu’il fait sont des signes qu’avec lui le Règne de Dieu est arrivé et l’enseignement qu’il donne est celui du Prophète par excellence qui apporte la Parole de Dieu et sa présence. C’est le Messie qu’il est. C’est ce que les autorités refuseront et rejetteront.

Jean Gobeil SJ

 

 

 

2020/12/12 – Matthieu 17, 10-13

2020/12/12 – Matthieu 17, 10-13

Les disciples interrogent Jésus sur ce que disent les scribes à propos du prophète Élie supposé revenir avant le Messie. Jésus déclare qu’il est déjà venu et qu’il n’a pas été reconnu par les scribes et que le Fils de l’homme aussi va souffrir par eux. Les disciples comprennent que Jésus parle de Jean Baptiste.

La première lecture tirée du livre du Siracide rappelle les hauts faits du prophète Élie. Son rôle a été important dans les débuts de l’histoire d’Israël dans la Terre Promise. C’était le moment où Israël passait du nomadisme dans le désert à la vie sédentaire. Il avait dû emprunter au populations locales les techniques de la culture du sol et la tentation était grande d’adopter en même temps les divinités qui étaient les assurances pour la pluie, comme Baal, ou pour la fertilité des troupeaux, comme Astarté. Le rôle d’Élie fut de rappeler que Yahvé, le Dieu de l’histoire qui les avait délivrés d’Égypte et accompagnés au désert, était aussi le Maître de la pluie et de la fertilité. Après ses luttes, Élie avait été emporté au ciel sous les yeux de son disciple Élisée. Pour cette raison on croyait qu’il reviendrait un jour.

Au temps de Jésus, on trouve, dans les écrits apocryphes qui parlent de la venue du Messie, la croyance qu’Élie précédera cette venue. En parlant des scribes, c’est à ces écrits que font allusion les disciples.

Mais pour Jésus, c’est Jean Baptiste qui a rempli le rôle de préparer la venue du Messie. Plut tôt (Mt.11,2), des disciples de Jean Baptiste étaient venus questionner Jésus. A la suite de cela, Jésus avait rendu témoignage au Précurseur. En allant à Jean Baptiste, les gens ne sont pas allés voir un roseau agité par le vent. Il ne sont pas allés voir un personnage mondain comme ceux qui sont dans les palais. Jésus dit à ses auditeurs qu’ils ont raison de le considérer comme un prophète. Il est même plus qu’un prophète.
Il est le messager envoyé pour préparer la route devant celui qui apporte le Royaume de Dieu.. (Mal.3,1)
Jésus avait ensuite ajouté quelque chose qui associait Jean Baptiste à la vie du Christ:
Jean mène une vie austère au désert et l’on dit: “Il est un possédé!” Le Fils de l’homme mange et boit et l’on dit: “Voilà un glouton et un ivrogne!” Comme le Christ, Jean Baptiste a été attaqué et rejeté par les autorités religieuses et, en fin de compte, il a été exécuté à cause de sa prédication. Son témoignage a été jusque là.
Or, dans notre texte aujourd’hui, Jésus fait encore allusion à ce parallèle entre la vie de Jean Baptiste et la sienne:
Au lieu de reconnaître Jean Baptiste, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Le Fils de l’homme, lui aussi, va souffrir par eux.

Il semble donc que, pour Jésus, la grandeur de Jean Baptiste n’est pas seulement d’avoir annoncé en paroles la venue du Messie mais d’avoir, comme lui, porter sa croix pour être fidèle à son témoignage.

Jean Gobeil SJ

2020/12/11 – Matthieu 11, 16-19

2020/12/11 – Matthieu 11, 16-19

Jésus prend une comparaison pour illustrer le refus de la bonne nouvelle. Il y a des enfants qui refusent de participer à un jeu joyeux et de danser au son de la flûte. Les mêmes enfants refusent de participer à un jeu triste où il faut mimer le deuil. Il en a été de même pour Jean Baptiste et Jésus. Jean baptiste menait une vie austère et avait un message sévère: on l’a refusé en prétextant qu’il était possédé. Jésus, lui, mange et boit avec ceux qui l’invitent, et on le refuse en prétextant qu’il est un glouton. Pourtant, c’était la sagesse de Dieu qui se révélait par ses deux envoyés.

Tout cet épisode a commencé par les disciples de Jean Baptiste qui sont venus demander à Jésus s’il fallait reconnaître en lui celui qu’on attendait. Jésus a répondu en citant ses oeuvres: des guérisons et des libérations, qui réalisaient la description d’un messie que donnait le prophète Isaïe. C’était là que se reconnaissait la sagesse de Dieu pour ceux qui étaient prêts à le recevoir.

Après le départ de ces disciples, Jésus avait loué Jean Baptiste devant la foule. Maintenant, Jean Baptiste était en prison et il allait être exécuté. Le précurseur aurait le même sort que celui qu’il annonçait. Cela nous donne un sens possible de la phrase mystérieuse qui suit:
Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent le Royaume des Cieux souffre violence, et des violents s’en emparent. (Mt.11,12)
Les adversaires de Jésus comme ceux de Jean Baptiste non seulement rejettent l’annonce du Royaume mais encore ils sont violents et ils réussiront à faire disparaître Jésus aussi bien que Jean Baptiste.

Mais en agissant ainsi, ils ne voient pas qu’ils rejettent la sagesse de Dieu qui se manifestait à travers leur message. C’est ce que veut illustrer notre passage aujourd’hui.

Cette génération, dit Jésus, c’est-à-dire ceux qui refusent le message de Jean Baptiste et celui de Jésus, ressemblent à des gamins capricieux qui refusent de participer à des jeux en donnant comme prétexte que ce qui est gai est trop gai et que ce qui est triste est trop triste. Pour qui refuse, tout prétexte est bon même si les prétextes sont contradictoires. Quand on a décidé de refuser, on n’a pas besoin de la logique.

Jésus applique l’exemple à cette génération. Jean Baptiste menait une vie très austère: il était l’homme du désert. Il dérangeait en prêchant la conversion du coeur en préparation de la venue du Royaume de Dieu. On l’a refusé et on s’est justifié en prétextant qu’il était possédé. Jésus vit avec tout le monde; il ne demande pas de jeûnes de ses disciples comme Jean Baptiste et il accepte les invitations à manger même avec des pécheurs. On refuse son message en prétextant qu’il est un glouton. Et pourtant, c’était la sagesse de Dieu qui agissait et qui parlait à travers Jean Baptiste et à travers le message de Jésus. C’est ce qu’on refuse.

Et le résultat est bien visible: quand on est refuse d’écouter la sagesse de Dieu, on est à l’aise avec les contradictions et l’absurdité.

Jean Gobeil SJ

 

 

2020/12/10 – Matthieu 11, 11-15

2020/12/10 – Matthieu 11, 11-15

La première lecture est tirée d’Isaïe dans une partie qu’on appelle le livre de la consolation pour les exilés. (Is.40-55) Le début de notre passage illustrait bien la compassion et le secours de Yahvé:
Je suis le Seigneur ton Dieu. Je te prends la main droite, et je te dis: “Ne crains pas, je viens à ton secours, Ne crains pas, Jacob, faible vermisseau…je viens à ton secours.
Le contexte est le retour de l’exil et la restauration, comme promesse.
Mais avant cette restauration, ils doivent mettre leur confiance dans le Seigneur car ils auront à affronter des difficultés. Le psaume de méditation montrait sur quoi s’appuie cette confiance:
Yahvé est le Roi. La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse pour toutes ses oeuvres. (Ps.145)

Les petits et les pauvres cherchent de l’eau et il n’y en a pas. … Moi, le Seigneur, je les exaucerai, moi, le Dieu d’Israël, je ne les abandonnerai pas. … Je ferai jaillir des fleuves…

C’est plus qu’une restauration que promet le Seigneur: c’est la profusion des temps messianiques.
Mais Israël qui doit garder confiance en passant à travers des épreuves et des affrontements qui précèdent la restauration messianique et qui en sont les signes.

Le texte de l’évangile vient après la visite des disciples de Jean-Baptiste. A la suite de cela, Jésus a rendu témoignage au Précurseur. Les gens ne sont pas allés voir un roseau agité par le vent. Ils ne sont pas allés voir un personnage mondain comme ceux qui sont dans les palais. Jésus dit à ses auditeurs qu’ils ont raison de le considérer comme un prophète. Il est même plus qu’un prophète. Il est le messager envoyé pour préparer la route devant celui qui apporte le Royaume de Dieu, et ce messager n’est pas un roseau: il n’est pas faible et il restera fidèle dans l’épreuve. (Mal.3,1) Sa grandeur est donc d’être à la charnière entre l’Ancienne Alliance et la Nouvelle Alliance.

Mais avec la venue du Royaume les critères humains sont renversés et ce sont les petits, les humbles, qui sont privilégiés: le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.

Le texte qui suit est un texte difficile parce qu’il peut avoir plus qu’un sens.
Depuis Jean-Baptiste jusqu’à maintenant, le Royaume des cieux subit la violence et des violents cherchent à s’en emparer.

Ici, à cause de la liturgie qui a utilisé le texte d’Isaïe pour donner un certain éclairage au texte évangélique, la violence peut être prise dans un sens positif pour signifier que ceux qui s’emparent du Royaume doivent le faire au prix des plus durs renoncements.
L’antienne de la communion nous indique quelle doit être la réponse à l’invitation du Christ:

Si quelqu’un veut marcher à ma suite, dit le Seigneur, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. (Mt.16,24)

Jean Gobeil SJ

2020/12/09 – Matthieu 11, 28-30

2020/12/09 – Matthieu 11, 28-30

Venez à moi, moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau, léger.

Le joug de la Loi est une expression connue dans l’Ancien Testament pour exprimer l’obligation de la Loi. La figure n’est pas nécessairement péjorative. Il suffit de relire l’Éloge de la Loi que fait le psaume 119 qui parle des commandements comme d’une source de délices (verset 47), ou comme une expression de l’amour de Dieu:
De ton amour, Yahvé, la terre est pleine,
apprends-moi tes volontés. (verset 64)
ou comme encore d’une expression de la sollicitude de Dieu:
Une lampe sur mes pas, ta parole,
une lumière sur ma route. (verset 105)

Mais quand Jésus parle d’un fardeau qui accable, il vise d’abord le fardeau imposé par les interprétations des Pharisiens qui font de la Loi une question d’exactitude méticuleuse et de comptabilité minutieuse à assurer à tout prix. C’est ce qu’illustreront les épisodes qui suivent notre texte.

Le joug que Jésus offre évoque l’engagement dans la Nouvelle Alliance, l’entrée dans le Royaume. Il n’est pas un joug de domination puisqu’il ajoute:
Car je suis doux et humble de cœur,
ce qui est la définition des Pauvres ou des Petits de Yahvé dans l’Ancien Testament.

Mais le fardeau peut avoir un sens plus général: le fardeau de la misère humaine. Un peu plus tôt, Matthieu disait de Jésus qui venait de parcourir villes et villages:
A la vue des foules, il en eut pitié, car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de pasteur.
(Matthieu 9,36)

Le joug qui est le sien est donc une réponse à cette misère et un appel à venir recevoir la Vie.

Jean Gobeil SJ

 

2020/12/08 – Luc 1, 26-38

2020/12/08 – Luc 1, 26-38

Luther aurait dit de l’évangile de Jean qu’il est « le plus tendre des évangiles. » Il aurait ajouté : « Je donnerais pour lui tous les autres et la plus grande partie du Nouveau Testament par surcroît. »Un autre théologien allemand tordit le cou à cette affirmation par une réplique laconique et cinglante : « Moi je ne donnerais rien! » Sans entrer dans cette querelle, on pourrait dire que la déclaration de Luther aurait été un peu moins surprenante si elle avait été faite à propos de Luc plutôt que Jean. Luc, le « scribe de la mansuétude » selon une expression de Dante, est le seul à nous livrer des récit d’une tendresse qui ne cherche pas à se dissimuler, comme celui de « l’annonciation » que nous fêtons aujourd’hui.

« Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. » Ces mots, Luc est le seul des évangélistes à les avoir entendus. Trois évangélistes connaissent le Père et le Fils, mais Luc est le seul à savoir ce que signifie « la Mère de Dieu ». C’est à elle qu’est annoncée la naissance du Fils du Très Haut. C’est à elle que revient la responsabilité de « nommer » l’enfant à venir. Matthieu, qui connaît bien la loi juive, a donné cette responsabilité à Joseph. Chez Luc, l’annonciation ne se produit pas dans un songe, mais dans le cadre d’une vision, d’une « apparition » en plein jour. Curieusement, dans l’histoire du christianisme, on a fait de l’apparition, le mode le plus spectaculaire de la communication entre la Vierge Marie et les humains. Bien des chrétiens ont affirmé que la Vierge Marie leur est apparue : à Lourdes, à Fatima, et en bien d’autres endroits.

L’annonciateur porte un nom : l’ange Gabriel. Et cet envoyé de Dieu n’a rien d’effrayant : il jase avec Marie sur un ton très familier et il fait tout pour la rassurer quand il constate qu’elle est « troublée » : « Sois sans crainte, Marie… » La jeune fille se détend effectivement, et ne se laisse pas déstabiliser par l’énormité de ce que l’ange lui apprend : qu’elle donnera naissance à un fils, qui sera « grand » et qui régnera sur le trône de David, sans fin… Marie risque une question : « Comment cela se fera-t-il, puisque je suis vierge? »

Quelques versets avant, dans le même chapitre, la même situation se produit quand l’ange annonce à Zacharie la naissance de Jean-Baptiste. Zacharie réagit à peu près comme Marie, car l’annonce porte là aussi sur une naissance miraculeuse. Zacharie fait remarquer qu’il est vieux et que sa femme est avancée en âge. L’ange se fâche et rend Zacharie muet jusqu’à la naissance de l’enfant promis. C’est plutôt sévère si l’on sait que c’est déjà difficile de garder le silence pendant deux heures quand on a la bouche gelée après une visite chez le dentiste.

Mais Gabriel n’impose aucune punition à Marie. Au contraire, il répond avec révérence à la question que la jeune fille lui pose. Les commentateurs expliquent ce double standard en affirmant que la question de Zacharie révélait un manque de foi. Ils disent que dans les mêmes circonstances, Abraham, le Père de la foi, n’avait pas douté que la vieille Sara pourrait concevoir et lui donner un fils. Quant à la question de Marie, on dit qu’elle était inspirée, non pas par l’incrédulité, mais plutôt par la foi qui cherche à comprendre.

Ces arguties théologiques n’éclairent pas tout le mystère du comportement de l’ange Gabriel dans ces deux situations. Une explication beaucoup plus simple, plus logique et plus crédible pourrait être celle-ci : Luc donne à l’ange Gabriel préséance sur Zacharie, mais pas sur Marie. Il y a bel et bien une hiérarchie. Gabriel peut rabrouer Zacharie qui est son inférieur, mais il ne peut que répondre respectueusement à la « Mère de Dieu ». La même hiérarchie est également remarquable quant au rang des deux enfants à naître : aucun doute que Jésus est supérieur à Jean-Baptiste. C’est pourquoi, la dernière déclaration de Marie dans ce passage, « Voici la servante du Seigneur » n’est pas à prendre comme une profession d’humilité. C’est plutôt un cri d’allégresse et d’action de grâce, exactement comme dans le Magnificat qui suivra plus loin. Car, être servante du Seigneur, c’est un titre de gloire.

Melchior M’Bonimpa

2020/12/07 – Luc 5, 17-26

2020/12/07 – Luc 5, 17-26

Il n’y a rien de plus misérable pour un conférencier que de se retrouver devant une salle presque vide ou encore, face à une assistance médiocre qui ne réagit pas à ses propos ou pose des questions hors-sujet. Ce n’est pas le cas dans l’évangile que nous sommes invités à méditer aujourd’hui. Jésus fait salle comble et attire un auditoire de qualité. Nous ne sommes pas en présence d’un obscur conférencier ou d’un petit bricoleur, mais d’un maître précédé par sa renommée.

Je n’ai pas résisté à la tentation de comparer ce texte aux récits parallèles chez Matthieu et Marc. Matthieu abrège l’histoire et n’en retient que l’essentiel. C’est donc plus intéressant de comparer les versions de Marc et de Luc. Elles sont plus élaborées et à peu près équivalentes en termes de longueur et de contenu. Pourtant, celle de Luc a quelque chose de spécial dans sa manière de gonfler l’assistance. C’est vrai que Marc insiste aussi sur l’importance du nombre de ceux qui se sont rassemblés pour entendre Jésus annoncer la parole. Mais chez Marc, la foule provient d’un attroupement spontané : « …on apprit qu’il était dans la maison. Et tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte. »

Chez Luc, la foule n’est pas constituée uniquement des voisins curieux ou des habitants de l’entourage immédiat de « la maison ». Dans l’assistance, il y a « des pharisiens et des docteurs de la loi venus de tous les villages de Galilée et de Judée ainsi que de Jérusalem ». Le nombre des témoins n’est donc pas le seul élément qui souligne l’importance de l’événement. Il y a aussi le fait qu’on trouve parmi ces témoins des représentants de l’élite d’Israël, venus des quatre coins du pays. Luc sous-entend donc que Jésus n’est pas un simple charlatan qui impressionnerait uniquement un public d’ignorants ou d’insignifiants. Il en impose même aux savants venus exprès pour tenter de le confondre, bien que dans cet évangile, les pharisiens et docteurs de la loi n’expriment pas ouvertement leurs objections.

Et justement, que dire du fond de l’histoire elle-même? Des gens portant un paralysé sur une civière ne parviennent pas à l’amener jusqu’à Jésus à cause de la foule. Ils décident alors de le faire passer par le toit en enlevant des tuiles. « Voyant leur foi, il dit, tes péchés te sont pardonnés. » Le paralysé et ses courageux porteurs ont dû être sidérés et déçus par cette déclaration qui ne semble avoir aucun rapport avec le but visé par leur démarche. Quant aux pharisiens présents, même s’ils ne disent rien, ils sont scandalisés par ces propos qui semblent nettement blasphématoires.

On a l’impression que Jésus se plaît à créer le malaise en imposant une mise en attente du paralysé et en se montrant provoquant et prétentieux pour irriter les docteurs de la loi. À vrai dire, ce qui caractérise l’attitude de Jésus ici, c’est son humilité. Cela peut passer inaperçu, mais Luc insiste sur le fait que Jésus n’est qu’un lieutenant, un intermédiaire ou un instrument : « …et la puissance du Seigneur était à l’œuvre pour lui faire opérer des guérisons. » Le pouvoir de pardonner les péchés et le pouvoir de guérir sont liés en amont : Jésus les tient de son Père, et il veut que tout le monde le sache. Le dénouement montre qu’il réussit son coup. Quand, sur l’ordre de Jésus, le paralysé se lève, prend sa civière et s’en va chez lui, tous, y compris les pharisiens, « rendent gloire à Dieu ».

Melchior Mbonimpa